Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Birmanie : DORS/2023-13

La Gazette du Canada, Partie II, volume 157, numéro 4

Enregistrement
DORS/2023-13 Le 27 janvier 2023

LOI SUR LES MESURES ÉCONOMIQUES SPÉCIALES

C.P. 2023-14 Le 27 janvier 2023

Attendu que la gouverneure en conseil juge que la situation en Birmanie constitue une rupture sérieuse de la paix et de la sécurité internationales qui entraîne ou est susceptible d’entraîner une grave crise internationale,

À ces causes, sur recommandation de la ministre des Affaires étrangères et en vertu des paragraphes 4(1)référence a, (1.1)référence b, (2)référence c et (3) de la Loi sur les mesures économiques spéciales référence d, Son Excellence la Gouverneure générale en conseil prend le Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Birmanie, ci-après.

Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Birmanie

Modifications

1 L’alinéa 4a) du Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Birmanie référence 1 est remplacé par ce qui suit :

2 La partie 2 de l’annexe du même règlement est modifiée par adjonction, après l’article 89, de ce qui suit :

Antériorité de la prise d’effet

3 Pour l’application de l’alinéa 11(2)a) de la Loi sur les textes réglementaires, le présent règlement prend effet avant sa publication dans la Gazette du Canada.

Entrée en vigueur

4 Le présent règlement entre en vigueur à la date de son enregistrement.

RÉSUMÉ DE L’ÉTUDE D’IMPACT DE LA RÉGLEMENTATION

(Le présent résumé ne fait pas partie du Règlement.)

Enjeux

Le 1er février 2021, les Forces armées du Myanmar (Tatmadaw) ont déclenché un coup d’État militaire contre le gouvernement démocratiquement élu de la Ligue nationale pour la démocratie (LND).

Malgré la condamnation de la communauté internationale, les appels répétés à mettre fin à la violence et les efforts de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) pour inciter le régime à participer aux dialogues inclusifs en faveur de la paix, le régime militaire au Myanmar n’a pas changé de cap. En fait, la violence s’intensifie, alors que les violations flagrantes des droits de la personne et du droit humanitaire se multiplient et s’aggravent.

Compte tenu de la violence, des graves violations des droits de la personne, des conséquences humanitaires pour les plus vulnérables, des répercussions sur les pays voisins qui accueillent les personnes fuyant la violence et de l’absence de progrès tangibles vers la paix, il convient d’imposer de nouvelles mesures coercitives.

Contexte

Le 1er février 2021, le Tatmadaw a renversé le gouvernement civil, en formant le Conseil d’administration de l’État (CAE), et a arrêté des dirigeants civils démocratiquement élus, des manifestants, des journalistes et des militants pro-démocratie. À ce jour, le régime n’a pas réussi à consolider pleinement son pouvoir et la résistance violente dans tout le pays s’est intensifiée. Le Myanmar s’est retrouvé près du statut d’État failli et de l’effondrement économique, des acquis démocratiques et économiques antérieurs ont été renversés et les conflits armés se sont accélérés. Cette situation rend extrêmement improbable la perspective d’un retour sûr, volontaire et dans la dignité des Rohingyas déplacés. Des Forces de défense du peuple (FDP) ont été formées localement dans tout le pays et se livrent à des combats de type guérilla contre le régime. Des organisations ethniques armées (OEA) poursuivent également des conflits qui durent depuis des décennies avec les forces de sécurité. L’opposition politique s’est cristallisée autour d’un gouvernement d’unité nationale (GUN) qui a formé un gouvernement fantôme et se dispute une reconnaissance internationale, passant récemment de la résistance politique à la résistance armée. Des violations flagrantes et systématiques des droits de la personne continuent de se produire en toute impunité alors que le CAE intensifie la violence contre sa propre population pour éradiquer la résistance et affirmer son autorité.

La situation, notamment l’escalade du conflit armé et les graves violations des droits de la personne, constitue une violation grave et continue de la paix et de la sécurité internationales ainsi qu’une crise internationale qui s’aggrave. Elle a des répercussions sur les pays voisins, en particulier ceux qui accueillent les personnes déplacées de force. En date du 13 janvier 2023, les violences liées au coup d’État ont eu les conséquences suivantes, et la catastrophe sur le plan humanitaire qui les accompagne est amplifiée chaque jour :

Tableau 1 : Bilan des violences depuis le coup d’État du 1er février 2021 référence 2
Violence associée au coup d’État Nombre de personnes touchées
Civils tués par le régime 2 730
Civils détenus arbitrairement 17 217
Civils détenus arbitrairement à l’heure actuelle 13 446
Militaires tués 22 855
Militaires blessés 5 813
Nombre de personnes déplacées depuis le coup d’État 1 100 000
Nombre de réfugiés dans les pays voisins 72 000

Il est bien documenté que, depuis des décennies, le Tatmadaw a pour habitude de prendre les civils pour cible, en recourant systématiquement à des bombardements aériens à partir d’hélicoptères de combat, d’avions de combat à réaction et d’artillerie, ainsi que de véhicules blindés terrestres. Ces derniers mois, cependant, les attaques contre les civils se sont intensifiées. Selon des rapports récents, le nombre de frappes aériennes est passé de 104 pour toute l’année 2021 à 243 pour les 11 premiers mois de 2022. Débordé par la reprise des combats, le régime militaire du Myanmar compte sur les frappes aériennes pour pénétrer dans des zones où il ne peut pas opérer facilement et utilise régulièrement des avions, des hélicoptères de combat, des véhicules blindés de transport de troupes et des missiles acquis à l’étranger pour mener des attaques visant des civils, en violation du droit international humanitaire et pénal.

Les bombardements aveugles du régime ont détruit des maisons, des bâtiments religieux, des écoles et des installations médicales, entre autres infrastructures civiles. Dans la grande majorité des cas documentés, seuls des civils semblent avoir été présents sur le lieu de la frappe au moment de l’attaque. Une illustration flagrante de cette tendance a été l’attaque du 16 septembre 2022 contre une école de la région de Sagaing, au cours de laquelle 11 enfants ont été tués et 17 autres personnes — 14 élèves et 3 enseignants — ont été blessées. Des troupes du régime ont mené le raid aérien en alléguant que des combattants de la résistance se trouvaient dans l’école du village.

Le régime militaire du Myanmar utilise également de plus en plus la puissance aérienne pour punir les unités des OEA, notamment celles qui résistent activement au régime et qui coopèrent avec le GUN ou les FDP. En particulier, le 23 octobre 2022, le régime militaire a mené une frappe aérienne contre un rassemblement marquant le 62e anniversaire de l’Organisation pour l’indépendance kachin (KIO), une OEA, dans la municipalité de Hpakant, dans l’État kachin, tuant au moins 62 personnes (dont des civils) et en blessant au moins 100, dont beaucoup se sont vu refuser des soins médicaux par la suite. Cette attaque constitue l’attaque la plus meurtrière menée par le régime militaire depuis le coup d’État. Cet incident rend encore plus lointaine la perspective d’un dialogue pacifique entre le régime militaire et les OEA alliées au KIO.

Des efforts de paix ont été menés par l’ANASE avec un soutien international, notamment du Canada, à la suite du consensus en cinq points de l’ANASE d’avril 2021, qui a établi une feuille de route pour la paix au Myanmar. La mise en œuvre de ce consensus est au point mort en raison de l’intransigeance du régime.

Le Canada a adopté une réponse à plusieurs volets à la crise au Myanmar et continue de participer activement aux efforts diplomatiques visant à résoudre la situation au Myanmar par des voies bilatérales et multilatérales.

Objectif

Description

Le Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Birmanie ajoute à l’annexe du Règlement six personnes qui font partie du régime militaire et une interdiction d’exporter, de vendre, de fournir ou d’expédier du carburant d’aviation au Myanmar.

Élaboration de la réglementation

Consultation

Affaires mondiales Canada s’entretient régulièrement avec les intervenants pertinents, y compris des organisations de la société civile et les communautés culturelles, ainsi que d’autres gouvernements d’optique commune au sujet de l’approche adoptée par le Canada quant à la mise en œuvre de sanctions.

Concernant ces modifications, des consultations publiques n’auraient pas été adéquates, puisque la communication du produit visé par les sanctions entraînerait probablement la fuite de biens avant l’entrée en vigueur des modifications.

Obligations relatives aux traités modernes et consultation et mobilisation des Autochtones

Une évaluation initiale de la portée géographique de l’initiative a été effectuée et n’a révélé aucune obligation découlant des traités modernes, puisque les modifications ne prennent pas effet dans une région visée par un traité moderne.

Choix de l’instrument

Les règlements constituent la seule méthode pour promulguer des sanctions au Canada. Aucun autre instrument ne pourrait être considéré.

Analyse de la réglementation

Avantages et coûts

L’application de sanctions servira à faire pression sur le régime militaire pour qu’il modifie son comportement et à démontrer la volonté du Canada d’imposer des coûts réels à ceux qui tentent d’entraver ou de saper les efforts internationaux visant à résoudre la crise au Myanmar. Cela démontrera en outre que ceux qui soutiennent le régime en subiront les conséquences. Les sanctions communiquent un message clair que le Canada n’acceptera pas que des actions constituant une rupture sérieuse de la paix et de la sécurité internationales entraînant une grave crise internationale continuent de se dérouler au Myanmar aux mains de l’armée en toute impunité. Comme les efforts déployés à ce jour n’ont pas convaincu le régime militaire d’accepter la responsabilité de ses actes, des sanctions supplémentaires envoient un message important du Canada pour l’inciter à changer son comportement.

Les répercussions de ces nouvelles mesures sur les entreprises canadiennes seraient mineures, puisque, selon Statistique Canada, l’ensemble des exportations d’énergie vers le Myanmar ne représentaient que 75 600 $ et 77 900 $ en 2020 et 2021, respectivement. Affaires mondiales Canada continue de dialoguer avec les entreprises canadiennes actives au Myanmar afin de s’assurer qu’elles comprennent la situation sur le terrain, leurs obligations en vertu du droit canadien, les attentes du gouvernement du Canada en ce qui a trait aux pratiques commerciales responsables à l’étranger, ainsi que les risques potentiels, sur les plans juridique et de la réputation, de faire des affaires au Myanmar.

Les banques et institutions financières canadiennes sont tenues de se conformer aux sanctions. Elles le feront en ajoutant les nouvelles interdictions à leurs systèmes de surveillance existants, ce qui pourrait entraîner un coût de conformité mineur.

Les modifications engendreront des coûts additionnels pour les entreprises devant obtenir un permis afin d’être autorisées à effectuer des activités ou des transactions autrement interdites. Cependant, les coûts seront probablement faibles, car il est peu probable que les entreprises canadiennes entretiennent des relations avec les personnes nouvellement inscrites.

On prévoit que les conséquences socioéconomiques de l’interdiction d’exporter du carburant d’aviation sur la population civile générale du Myanmar seront minimes par nature et que son incidence humanitaire négative sera faible. Les organisations consultées dans le cadre du processus d’évaluation des risques l’ont confirmé et ont soutenu à l’unanimité une suspension du carburant d’aviation, car la réduction de la capacité de l’armée du Myanmar à utiliser la puissance aérienne l’emporterait sur les conséquences négatives qu’une suspension pourrait entraîner.

L’interdiction d’exportation du Canada enverrait un signal fort aux intervenants du Myanmar et de la communauté internationale qui borde le pays. La valeur symbolique de l’interdiction renforcerait encore la crédibilité du Canada auprès des défenseurs de la démocratie au Myanmar et dans la région, qui réclament des mesures plus strictes de la part du Canada et d’autres pays aux vues similaires. Les mesures prises par le Canada soutiendraient également d’autres pays, qu’ils aient des vues similaires ou non, qui envisagent de prendre des mesures semblables qui, ensemble, auraient des conséquences importantes pour le régime militaire.

Lentille des petites entreprises

Les modifications engendreront des coûts additionnels pour les entreprises demandant des permis les autorisant à effectuer des activités ou des transactions faisant l’objet d’une interdiction. Cependant, les coûts seront probablement faibles, car il est peu probable que les entreprises canadiennes aient ou auront des relations avec les personnes et les entités nouvellement inscrites. Comme il est peu probable que les entreprises canadiennes fassent des affaires dans ces secteurs, on ne s’attend pas à ce que les modifications entraînent une perte importante de débouchés pour les petites entreprises.

De plus, le 9 avril 2021, le Canada a diffusé un avis aux entreprises afin de s’assurer que les entreprises canadiennes, y compris les petites entreprises, sont conscientes des risques accrus sur le plan commercial et pour leur réputation de faire des affaires au Myanmar. L’avis soulignait également les attentes du gouvernement du Canada en matière de pratiques commerciales responsables à l’étranger et recommandait aux entreprises canadiennes d’exercer une diligence raisonnable pour assurer une conduite des affaires responsable, notamment en examinant de près leurs chaînes d’approvisionnement pour déterminer si leurs activités soutiennent les conglomérats militaires ou leurs sociétés affiliées.

Règle du « un pour un »

Le processus d’octroi de permis aux entreprises répond à la définition de « fardeau administratif » de la Loi sur la réduction de la paperasse et devrait être calculé et compensé dans un délai de 24 mois. Cependant, les modifications portent sur une situation d’urgence, et sont donc exemptées de l’obligation d’alléger le fardeau administratif et réglementaire en vertu de la règle du « un pour un ».

Coopération et harmonisation en matière de réglementation

Bien que les modifications ne soient pas liées à un plan de travail ou à un engagement dans le cadre d’un forum officiel de coopération réglementaire, elles sont harmonisées avec les mesures prises par des partenaires aux vues similaires.

Évaluation environnementale stratégique

Il est peu probable que les modifications entraînent des effets importants sur l’environnement. Conformément à la Directive du Cabinet sur l’évaluation environnementale des projets de politiques, de plans et de programmes, une analyse préliminaire a conclu qu’une évaluation environnementale stratégique n’est pas nécessaire.

Analyse comparative entre les sexes plus (ACS+)

Les modifications visent des personnes bien précises (particuliers et entités) faisant partie de l’armée du Myanmar et des personnes participant à des activités qui ont contribué à la rupture sérieuse de la paix et de la sécurité internationales survenue au Myanmar, plutôt que les citoyens du Myanmar dans leur ensemble. Cela permet de minimiser les effets collatéraux sur ceux qui dépendent de ces personnes.

Des exceptions sont prévues dans le Règlement, notamment pour permettre la fourniture d’une aide humanitaire afin d’atténuer quelque peu les répercussions des sanctions sur les groupes vulnérables. La ministre des Affaires étrangères peut également délivrer des permis en vertu du Décret. En tant que telles, ces nouvelles sanctions sont susceptibles d’entraîner des répercussions limitées sur les citoyens du Myanmar.

Justification

Les six personnes dont il est proposé d’ajouter le nom au Règlement sont de hauts responsables actuels du régime militaire. Elles sont liées, en particulier, à la vague de frappes aériennes et d’autres attaques contre des populations civiles qui ont coûté des dizaines de vies civiles, y compris celles de femmes et d’enfants. L’interdiction de l’exportation, de la vente, de la fourniture ou de l’envoi de carburant d’aviation au Myanmar limitera l’accès du régime à une ressource qui lui est essentielle afin de poursuivre ses frappes aériennes contre la population civile du Myanmar.

Cette interdiction répond aux appels de plus en plus nombreux et crédibles lancés par des partenaires de premier plan pour que la communauté internationale prenne des mesures concertées en réponse à la violence croissante. L’armée du Myanmar dépend du carburant d’aviation pour faire fonctionner les avions utilisés dans ces attaques, un type de carburant que des sociétés étrangères et nationales fournissent, importent, manipulent, stockent et distribuent. Freiner la vente ou le transfert de carburant d’aviation est crucial pour empêcher le régime militaire de continuer à perpétrer de telles attaques et c’est cohérent avec les efforts déployés par le Canada pour mettre fin à la circulation et au transfert d’armes et de produits connexes au Myanmar.

Le 9 décembre 2022, le Canada a imposé des sanctions à 12 personnes et 3 entités, dont le Asian Sun Group, participant directement à la chaîne d’approvisionnement en carburant d’aviation du régime militaire du Myanmar. Ces mesures ont été très bien accueillies par la communauté internationale, en particulier par les organisations de la société civile actives au Myanmar et par le mouvement d’opposition prodémocratique du Myanmar. Des éloges publics et privés ont été adressés au Canada, qui a été le premier pays au monde à cibler la chaîne d’approvisionnement en carburant d’aviation de l’armée du Myanmar. De nombreuses organisations non gouvernementales de premier plan ont en outre appelé le Canada et les États d’optique commune à décréter une interdiction totale de l’exportation de carburant d’aviation vers les entités au Myanmar afin d’empêcher le régime de mener des attaques aériennes répétées contre la population du pays.

Cela renforce les efforts découlant de la résolution 75/287 de l’Assemblée générale des Nations Unies (UNGA), dans le cadre de laquelle le Canada exhorte tous les États membres de l’Organisation des Nations Unies à empêcher la vente et le transfert d’armes, de matériel militaire, de matériel à double usage et d’aide technique au Myanmar. Ces modifications au Règlement renforcent les engagements du Canada à cet égard, et encouragent fortement une action internationale concertée.

Ces sanctions témoignent de la solidarité avec les pays d’optique commune, qui ont déjà imposé des restrictions semblables à des particuliers. Des interdictions comparables sur le carburant d’aviation sont attendues.

Mise en œuvre, conformité et application, et normes de service

La Gendarmerie royale du Canada et l’Agence des services frontaliers du Canada sont chargées de l’application des règlements relatifs aux sanctions. Conformément à l’article 8 de la Loi sur les mesures économiques spéciales, toute personne contrevenant au Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Birmanie encourt, sur déclaration de culpabilité, une amende maximale de 25 000 $ ou un emprisonnement maximal d’un an, ou les deux; ou, par mise en accusation, un emprisonnement maximal de cinq ans.

Personne-ressource

Graham Dattels
Directeur
Direction de l’Asie du Sud-Est II
Direction générale de l’Asie du Sud-Est, de l’Océanie, de l’APEC et de l’ANASE
Affaires mondiales Canada
125, promenade Sussex
Ottawa (Ontario)
K1A 0G2
Courriel : graham.dattels@international.gc.ca