Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie : DORS/2022-46

La Gazette du Canada, Partie II, volume 156, numéro 6

Enregistrement
DORS/2022-46 Le 4 mars 2022

LOI SUR LES MESURES ÉCONOMIQUES SPÉCIALES

C.P. 2022-219 Le 4 mars 2022

Attendu que la gouverneure en conseil juge que les actions de la Fédération de Russie constituent une rupture sérieuse de la paix et de la sécurité internationales qui entraîne ou est susceptible d’entraîner une grave crise internationale,

À ces causes, sur recommandation de la ministre des Affaires étrangères et en vertu des paragraphes 4(1) référence a, (1.1) référence b, (2) et (3) de la Loi sur les mesures économiques spéciales référence c, Son Excellence la Gouverneure générale en conseil prend le Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie, ci-après.

Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie

Modifications

1 L’article 2.1 du Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie référence 1 est remplacé par ce qui suit :

Annexes 2 et 3

2.1 Figure sur la liste établie aux annexes 2 ou 3 le nom de personnes à l’égard desquelles le gouverneur en conseil est convaincu, sur recommandation du ministre, qu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’elles sont l’une des personnes suivantes :

2 La partie 1 de l’annexe 1 du même règlement est modifiée par adjonction, selon l’ordre numérique, de ce qui suit :

Antériorité de la prise d’effet

3 Pour l’application de l’alinéa 11(2)a) de la Loi sur les textes réglementaires, le présent règlement prend effet avant sa publication dans la Gazette du Canada.

Entrée en vigueur

4 Le présent règlement entre en vigueur à la date de son enregistrement.

RÉSUMÉ DE L’ÉTUDE D’IMPACT DE LA RÉGLEMENTATION

(Le présent résumé ne fait pas partie du Règlement.)

Enjeux

La Fédération de Russie continue de violer la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine.

Contexte

En novembre 2013, le refus du président ukrainien Viktor Ianoukovytch de signer un accord d’association historique avec l’Union européenne (UE) a entraîné d’énormes manifestations à Kyïv qui ont provoqué la chute de son gouvernement. En février 2014, les forces russes ont occupé la péninsule de Crimée en Ukraine. Après le « référendum » inconstitutionnel du 16 mars 2014, le président russe Vladimir Poutine a signé un traité visant à intégrer la Crimée à la Fédération de Russie le 18 mars 2014. Le Canada, de concert avec la communauté internationale, continue de condamner cette occupation illégale et cette tentative d’annexion de la Crimée.

Après l’annexion, des militants soutenus par la Russie ont rapidement pris le contrôle de parties importantes des régions de Donetsk et de Louhansk dans l’est de l’Ukraine, déclarant la création des soi-disant « Républiques populaires » de Donetsk et de Louhansk. Des « référendums d’indépendance » frauduleux, organisés par des séparatistes prorusses, ont eu lieu le 11 mai 2014, mais la communauté internationale ne les a pas reconnus. Des accords de paix ont été conclus lors de pourparlers tenus à Minsk, au Bélarus, en septembre 2014 et en février 2015 (les accords de Minsk). Depuis le début de l’occupation illégale et de la tentative d’annexion de la Crimée, la Russie a continué d’encourager les groupes séparatistes prorusses violents dans les régions de Donetsk et de Louhansk en Ukraine.

Dans le cadre d’une action coordonnée avec les États-Unis et l’UE, le Canada a conclu que l’occupation illégale de la Crimée par la Fédération de Russie constitue une rupture sérieuse de la paix et de la sécurité internationales, et cette annexion est susceptible d’entraîner ou a déjà entraîné une grave crise internationale. Par conséquent, le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant l’Ukraine (le Règlement visant l’Ukraine) et le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie (le Règlement visant la Russie) ont été adoptés le 17 mars 2014. Ces deux règlements imposent une interdiction de transactions (un gel des avoirs) à l’endroit des particuliers ou des entités désignés. Ils interdisent ainsi aux personnes au Canada et aux Canadiens à l’étranger d’effectuer une opération portant sur un bien détenu par une personne désignée, de conclure une transaction avec une personne désignée, de fournir des services à une personne désignée ou d’autrement mettre de la marchandise à la disposition d’une personne désignée. Des modifications ont été apportées au Règlement visant la Russie ainsi qu’au Règlement visant l’Ukraine à 20 occasions séparées entre 2014 et 2022.

Le Décret concernant l’autorisation, par permis, à procéder à certaines opérations (mesures économiques spéciales - Ukraine) et le Décret concernant l’autorisation, par permis, à procéder à certaines opérations (mesures économiques spéciales - Russie), entrés en vigueur le 17 mars 2014, confèrent au ministre des Affaires étrangères le pouvoir d’autoriser, par permis, une personne se trouvant au Canada ou un Canadien se trouvant à l’étranger de réaliser une activité ou une transaction, ou une catégorie d’activités ou de transactions, qui fait l’objet d’une interdiction ou d’une restriction au titre du Règlement visant l’Ukraine et du Règlement visant la Russie.

Le 15 février 2022, la Douma russe (équivalent au parlement canadien) a voté pour demander au président Poutine de reconnaître les prétendues Républiques populaires de Louhansk et de Donetsk dans l’est de l’Ukraine, violant ainsi les accords de Minsk et la souveraineté de l’Ukraine. Le 18 février 2022, les prétendues autorités soutenues par la Russie ont ordonné l’évacuation des femmes et des enfants de la région, ainsi que la conscription des hommes âgés de 18 à 55 ans. Le 20 février 2022, la Russie a prolongé son exercice militaire joint avec le Bélarus et a annoncé que les troupes russes ne quitteraient pas le Bélarus. Le 21 février 2022, à la suite d’une réunion du Conseil de sécurité russe, le président Poutine a signé des décrets reconnaissant l’« indépendance » et la « souveraineté » des soi-disant République populaire de Louhansk et République populaire de Donetsk. Cette mesure constitue une violation flagrante de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, du droit international et des accords de Minsk créés pour trouver une résolution pacifique du conflit dans l’est de l’Ukraine. Immédiatement après, le président Poutine a ordonné aux troupes russes de conduire des fonctions de maintien de la paix dans les soi-disant régions de la République populaire de Louhansk et de la République populaire de Donetsk. Il a aussi expressément abandonné les accords de Minsk, les déclarant « inexistants ». Le 22 février 2022, la Douma russe a accordé au président Poutine le droit d’utiliser des forces militaires à l’extérieur du pays. Pour la première fois dans ce conflit, des troupes russes en uniforme ainsi que des véhicules blindés ont commencé à se positionner dans les régions de Donetsk et de Louhansk, et ce, sur ordre officiel. Le 24 février 2022, le président Poutine a annoncé une « opération militaire spéciale » au moment où des forces russes lançaient une invasion à grande échelle contre l’Ukraine. Cette invasion a commencé par des frappes ciblées sur des infrastructures militaires ukrainiennes d’importance, avec l’incursion de forces russes au nord de l’Ukraine en provenance de la Russie et du Bélarus, à l’est en provenance de la Russie et les régions dites de la République populaire de Louhansk et de la République populaire de Donetsk, et au sud en provenance de la Crimée.

Cette décision fait suite à un renforcement significatif des troupes russes (environ 150 000 à 190 000), des équipements militaires et des capacités militaires en Ukraine et dans les environs depuis l’automne 2021, ainsi qu’à des mois d’intensification de la part de la Russie. Cette agression menace directement l’Ukraine et lui impose des coûts significatifs. Il s’agit aussi d’une violation flagrante des accords de Minsk créés pour trouver une résolution pacifique au conflit dans les régions de Donetsk et de Louhansk. Les relations de la Russie avec l’Ukraine, les États-Unis et l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) se sont également détériorées, ce qui a mené à des tensions accrues. La Russie est déterminée de bloquer les aspirations euro-atlantiques de l’Ukraine, car elle les considère comme une menace pour sa sécurité.

Depuis le début de la crise actuelle, le Canada et la communauté internationale demandent à la Russie de désamorcer la situation, de poursuivre la voie diplomatique et de faire preuve de transparence dans ses activités militaires. Les négociations diplomatiques se sont déroulées sur plusieurs pistes, notamment par (1) les pourparlers bilatéraux entre les États-Unis et la Russie (par exemple le Dialogue stratégique sur la stabilité); (2) l’OTAN; (3) l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE); (4) le Format Normandie (Ukraine, Russie, Allemagne, France) pour la mise en œuvre des accords de Minsk.

Le 21 février 2022, les ministres des Affaires étrangères du G7 ont publié une déclaration condamnant la reconnaissance russe des soi-disant régions de la République populaire de Louhansk et de la République populaire de Donetsk, et mentionnant que le G7 s’apprêtait à renforcer ses mesures restrictives en réponse aux actions russes. De plus, les membres ont réaffirmé leur engagement inébranlable envers la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Les ministres des Affaires étrangères du G7 ont également reconfirmé leur soutien à la mise en œuvre intégrale des accords de Minsk pour mettre fin au conflit dans l’est de l’Ukraine. Cette déclaration fait suite à une déclaration similaire faite en décembre 2021 et à celle des ministres des Affaires étrangères de l’OTAN en janvier 2022.

Depuis 2014, le Canada a fourni à l’Ukraine plus de 890 millions de dollars en assistance multiforme afin de soutenir la sécurité, la prospérité et les objectifs de réforme en Ukraine. Le Canada considère actuellement plusieurs options de réponse afin d’appuyer l’Ukraine et de répondre à l’agression russe, et ce, en collaboration étroite avec les alliés et partenaires du Canada.

Le 27 janvier 2022, le Canada a annoncé l’agrandissement et l’extension de l’opération UNIFIER, la mission de formation militaire non combattante et de renforcement des capacités du Canada en Ukraine. Dans le cadre de l’extension de l’opération UNIFIER, le Canada a aussi annoncé une augmentation des ressources au sein d’Affaires mondiales Canada et de l’ambassade canadienne à Kyïv afin de soutenir une Ukraine résiliente et démocratique. De plus, le Canada a annoncé 50 millions de dollars additionnels pour l’assistance internationale en Ukraine, dont 35 millions de dollars en développement et 15 millions de dollars en assistance humanitaire. Ces fonds sont en addition au prêt souverain s’élevant jusqu’à 120 millions de dollars qui a été offert à l’Ukraine le 21 janvier 2022 afin de soutenir sa résilience économique et les efforts de réforme du gouvernement.

La durée des sanctions imposées par le Canada et ses partenaires aux vues similaires a été explicitement liée à la mise en œuvre complète des accords de Minsk par toutes les parties, et au respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine à l’intérieur de ses frontières telles qu’elles sont reconnues par la communauté internationale; ces frontières incluent la Crimée et les zones maritimes limitrophes de l’Ukraine. Les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie et l’UE continuent aussi à mettre à jour leurs régimes de sanctions à l’encontre de particuliers et d’entités en Ukraine et en Russie.

Objectifs

  1. Imposer des coûts supplémentaires à l’encontre de la Russie pour son invasion non provoquée et injustifiable de l’Ukraine;
  2. Maintenir l’alignement des mesures canadiennes sur celles prises par les partenaires internationaux du Canada pour démontrer la détermination et l’unité des pays alliés et partenaires dans la réponse aux actions de la Russie en Ukraine;
  3. Garder la possibilité d’appliquer des sanctions additionnelles comme mesure de dissuasion dans l’éventualité d’une nouvelle agression russe.

Description

Le Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie (les modifications) ajoute 10 nouveaux particuliers à l’annexe 1 du Règlement visant la Russie, les soumettant ainsi à une interdiction générale de transactions.

Élaboration de la réglementation

Consultation

Affaires mondiales Canada mobilise régulièrement les intervenants pertinents, qui incluent des organisations de la société civile, des communautés culturelles, et des représentants d’autres gouvernements aux vues similaires pour discuter de l’approche du Canada relative à la mise en œuvre de sanctions.

Pour ce qui est du processus de modification des listes de sanctions, il n’est pas approprié d’y inclure des consultations publiques puisque la diffusion des noms des personnes visées par les sanctions pourrait entraîner la fuite de capitaux avant l’entrée en vigueur des modifications.

Obligations relatives aux traités modernes et consultation et mobilisation des Autochtones

Une évaluation initiale de la portée géographique des modifications a été effectuée et n’a révélé aucune obligation découlant des traités modernes, puisque les modifications ne prendront pas effet dans une région visée par un traité moderne.

Choix de l’instrument

Au Canada, les règlements sont le seul instrument permettant d’appliquer des sanctions. Aucun autre instrument ne pourrait être considéré.

Analyse de la réglementation

Avantages et coûts

Les sanctions visant des personnes spécifiques ont moins d’impact sur les entreprises canadiennes que les sanctions économiques traditionnelles à grande échelle, et les modifications auront un impact limité sur les citoyens des pays des personnes inscrites sur la liste. Il est probable que les particuliers et entités désignés ont des liens limités avec le Canada et n’ont donc pas d’activités commerciales importantes pour l’économie canadienne.

Les banques et les institutions financières canadiennes sont tenues de se conformer aux sanctions. Elles le feront en ajoutant les nouvelles personnes désignées à leurs systèmes de surveillance existants, ce qui pourrait entraîner un coût de mise en conformité mineur.

Les modifications entraîneront des coûts supplémentaires pour les entreprises qui cherchent à obtenir des permis qui les autoriseraient à effectuer des activités ou des transactions spécifiques qui sont autrement interdites.

Lentille des petites entreprises

Les modifications pourraient entraîner des coûts de conformité supplémentaires pour les petites entreprises qui chercheront à obtenir des permis qui les autoriseraient à effectuer des activités ou des transactions spécifiques qui sont autrement interdites. Cependant, les coûts seront probablement faibles, car il est peu probable que les petites entreprises canadiennes aient ou auront des relations avec les particuliers et les entités nouvellement inscrits. Aucune perte significative d’opportunité pour les petites entreprises n’est prévue en raison des modifications.

Règle du « un pour un »

Puisque les modifications réglementaires n’entraîneront pas de coûts administratifs, la règle du « un pour un » ne s’applique pas.

Coopération et harmonisation en matière de réglementation

Bien que les modifications ne soient pas liées à un plan de travail ni à un engagement dans le cadre d’un forum officiel de coopération réglementaire, elles s’alignent sur les mesures prises par des partenaires aux vues similaires.

Évaluation environnementale stratégique

Il est peu probable que les modifications entraînent des effets importants sur l’environnement. Conformément à la Directive du Cabinet sur l’évaluation environnementale des projets de politiques, de plans et de programmes, une analyse préliminaire a permis de conclure qu’une évaluation environnementale stratégique n’est pas nécessaire.

Analyse comparative entre les sexes plus (ACS+)

Le sujet des sanctions économiques a déjà fait l’objet d’une analyse des effets sur le genre et la diversité par le passé. Bien qu’elles visent à encourager un changement de comportement en exerçant une pression économique sur des personnes à l’étranger, les sanctions prises en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales peuvent néanmoins avoir une incidence involontaire sur certains groupes et certaines personnes vulnérables. Les sanctions ciblées n’auront pas d’effet sur la Russie dans son ensemble, mais plutôt sur des personnes soupçonnées de mener des activités qui soutiennent, facilitent ou financent, directement ou indirectement, une violation de la souveraineté ou de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, ou y contribuent. Par conséquent, ces sanctions économiques n’auront probablement pas d’incidence importante sur les groupes vulnérables, en comparaison aux larges sanctions traditionnelles, et leurs effets collatéraux se limiteront aux personnes qui dépendent des personnes ciblées.

Justification

Les modifications sont une réponse directe à l’invasion russe de l’Ukraine qui a commencé le 24 février 2022 et qui poursuit la violation flagrante par la Russie de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de l’Ukraine selon le droit international. En coordination avec les actions menées par les alliés du Canada, les modifications visent à imposer un coût économique direct sur la Russie et signalent la condamnation ferme par le Canada des dernières violations de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de l’Ukraine par la Russie.

Mise en œuvre, conformité et application, et normes de service

Les noms des particuliers inscrits seront disponibles en ligne pour que les institutions financières puissent les examiner et seront ajoutés à la Liste consolidée des sanctions autonomes canadiennes. Cela contribuera à faciliter la conformité aux modifications.

Les règlements de sanctions canadiennes sont appliqués par la Gendarmerie royale du Canada et l’Agence des services frontaliers du Canada. Conformément à l’article 8 de la Loi sur les mesures économiques spéciales, quiconque contrevient sciemment au Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie est passible, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, d’une amende maximale de 25 000 $ ou d’une peine d’emprisonnement maximale d’un an, ou d’une combinaison des deux; ou encore, sur déclaration de culpabilité par mise en accusation, d’une peine d’emprisonnement maximale de cinq ans.

Personne-ressource

Andrew Turner
Directeur
Direction de l’Europe de l’Est et de l’Eurasie
Affaires mondiales Canada
125, promenade Sussex
Ottawa (Ontario)
K1A 0G2
Téléphone : 343‑203‑3603
Courriel : Andrew.Turner@international.gc.ca