Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Birmanie : DORS/2022-8

La Gazette du Canada, Partie II, volume 156, numéro 4

Enregistrement
DORS/2022-8 Le 28 janvier 2022

LOI SUR LES MESURES ÉCONOMIQUES SPÉCIALES

C.P. 2022-43 Le 28 janvier 2022

Attendu que la gouverneure en conseil juge que la situation en Birmanie constitue une rupture sérieuse de la paix et de la sécurité internationales qui entraîne ou est susceptible d’entraîner une grave crise internationale,

À ces causes, sur recommandation de la ministre des Affaires étrangères et en vertu des paragraphes 4(1) référence a, (1.1) référence b, (2) et (3) de la Loi sur les mesures économiques spéciales référence c, Son Excellence la Gouverneure générale en conseil prend le Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Birmanie, ci-après.

Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Birmanie

Modifications

1 La définition de pension, à l’article 1 du Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Birmanie référence 1, est abrogée.

2 L’article 2 du même règlement est remplacé par ce qui suit :

Liste

2 Figure sur la liste établie à l’annexe le nom de toute personne qui se trouve en Birmanie ou qui est un de ses nationaux ne résidant pas habituellement au Canada à l’égard de laquelle le gouverneur en conseil est convaincu, sur recommandation du ministre, qu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’il s’agit de l’une ou l’autre des personnes suivantes :

3 (1) L’alinéa 3a) du même règlement est remplacé par ce qui suit :

(2) L’alinéa 3b) de la version française du même règlement est remplacé par ce qui suit :

(3) Les alinéas 3c) et d) du même règlement sont remplacés par ce qui suit :

(4) L’alinéa 3e) de la version française du même règlement est remplacé par ce qui suit :

4 Les paragraphes 16(3) et (4) du même règlement sont abrogés.

5 L’article 17 du même règlement est remplacé par ce qui suit :

Erreur sur la personne

17 (1) La personne dont le nom est identique ou semblable à celui d’une personne désignée et qui prétend ne pas être cette personne peut demander par écrit au ministre de lui délivrer une attestation portant qu’elle n’est pas la personne désignée.

Décision du ministre

(2) Dans les trente jours suivant la réception de la demande, le ministre :

6 La partie 2 de l’annexe du même règlement est modifiée par adjonction, après l’article 70, de ce qui suit :

Antériorité de la prise d’effet

7 Pour l’application de l’alinéa 11(2)a) de la Loi sur les textes réglementaires, le présent règlement prend effet avant sa publication dans la Gazette du Canada.

Entrée en vigueur

8 Le présent règlement entre en vigueur à la date de son enregistrement.

RÉSUMÉ DE L’ÉTUDE D’IMPACT DE LA RÉGLEMENTATION

(Le présent résumé ne fait pas partie du Règlement.)

Enjeux

Le 1er février 2021, sous la direction du général principal Min Aung Hlaing, commandant en chef des Forces armées du Myanmar (Tatmadaw), l’armée du Myanmar a déclenché un coup d’État militaire contre le gouvernement démocratiquement élu de la Ligue nationale pour la démocratie (LND).

Malgré la condamnation de la communauté internationale, les appels répétés à mettre fin à la violence et les efforts de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) pour inciter le régime à participer aux dialogues inclusifs en faveur de la paix, le Tatmadaw n’a pas changé de cap. En fait, la violence s’intensifie, alors que les allégations de violations flagrantes des droits de la personne se multiplient. La dernière tactique du régime, qui consiste à utiliser le système judiciaire pour éliminer l’opposition démocratique, exacerbe la situation actuelle, tout en étant préjudiciable à long terme à la primauté du droit, à la réputation du système judiciaire national et au rétablissement de la démocratie. Cette situation constitue une violation grave et persistante de la paix et de la sécurité internationales. Pendant ce temps, la crise nationale, régionale et internationale qui en découle s’accentue. Face à l’escalade de la violence, aux graves violations des droits de la personne, aux conséquences humanitaires pour les plus vulnérables, aux répercussions sur les pays voisins qui accueillent les personnes fuyant la violence et à l’absence de progrès tangibles vers la paix, il convient d’imposer de nouvelles mesures coercitives.

Contexte

À la suite du coup d’État de février 2021, le Tatmadaw a emprisonné rapidement les dirigeants politiques de la LND, les écartant ainsi de la scène politique nationale. Il en a fait autant avec les militants pro-démocratie, les représentants de la société civile, les journalistes et les défenseurs des droits de la personne. Cette situation a entraîné une résistance populaire, y compris des manifestations nationales de masse et un mouvement de désobéissance civile (CDM) qui ont empêché le Tatmadaw de consolider son pouvoir. Le Tatmadaw et d’autres forces de sécurité ont réprimé ces manifestations avec une force meurtrière intentionnelle et disproportionnée, dont témoignent largement des vidéos accessibles au public.

Les violences entre groupes d’opposition armée, connus sous le nom de Forces de défense du peuple (FDP), se sont multipliées. Pendant ce temps, les affrontements persistants entre le Tatmadaw et les organisations ethniques armées (OEA) se poursuivent. De plus en plus, le gouvernement d’unité nationale (NUG) recourt aux armes, cherchant à former une structure de commandement et de contrôle pour coordonner les centaines de FDP et mettre sur pied ses propres forces armées.

Comme en fait état le rapporteur spécial des Nations Unies sur la violence au Myanmar, dans son rapport d’août 2021, le Tatmadaw continue de réprimer violemment et systématiquement la population civile (arrestations arbitraires, actes de torture et assassinats). En octobre 2021, l’Envoyée spéciale du Secrétaire général des Nations Unies au Myanmar, Christine Schraner Burgener, estimait que le pays était maintenant confronté à une guerre civile. Au cours du dernier trimestre de 2021, le nombre d’atrocités a augmenté considérablement. L’armée a lancé une importante opération militaire dans le nord-ouest du pays contre les FDP locales et leurs partisans civils, si bien que la population civile de la région a été victime de graves violences. L’armée a incendié environ 600 bâtiments (commerces, habitations et églises) et bombardé des villages, en plus d’attaquer et de tuer de nombreux civils, dont des femmes, des enfants et des travailleurs humanitaires. Le Canada a réagi par de multiples déclarations communes avec ses alliés pour condamner la violence et prévenir que si personne n’avait à répondre de ces actes, de nouvelles atrocités pourraient être commises.

Depuis le début de janvier 2022, outre la crise humanitaire qui s’aggrave quotidiennement, le bilan des violences référence 2 provoquées par le coup d’État était le suivant.

Tableau 1 : Bilan des violences provoquées par le coup d’État du 1er février 2021
Violences provoquées par le coup d’État Nombre de personnes touchées
Civils tués 1 450
Civils détenus arbitrairement 11 390
Civils détenus arbitrairement à l’heure actuelle 8 437
Militaires tués 6 850
Militaires blessés 1 930
Nombre de personnes déplacées depuis le coup d’État 295 700
Nombre de réfugiés dans les pays voisins 22 000

Le régime a également ouvert un nouveau front dans sa lutte contre l’opposition démocratique. Un grand nombre des personnes détenues, y compris de hauts dirigeants démocratiquement élus, sont désormais traduites en justice et condamnées. Bien qu’en apparence ils respectent la primauté du droit, ces accusations et ces procès répondent à des visées politiques et les procédures sont menées de manière à obtenir une condamnation, en violation flagrante du droit à un procès équitable. Cette atteinte à la primauté du droit n’est possible qu’avec la participation et la complicité actives des membres les plus hauts placés du système judiciaire du Myanmar. L’intention du régime est claire : éliminer l’opposition démocratique et étouffer la dissidence, en utilisant la primauté du droit et les tribunaux pour donner un semblant d’impartialité et de légitimité à des procédures injustes et trompeuses. En définitive, en plus des atteintes aux droits de la personne, le régime aura créé des conditions inégales et antidémocratiques si des élections se tiennent en 2023 comme promis.

Le coup d’État militaire menace également la paix et la sécurité régionales en favorisant la criminalité organisée, le trafic de drogue et d’autres activités illicites. Le Tatmadaw est depuis longtemps complice du trafic de drogue, de bois, de pierres précieuses et de jade qui attire les groupes criminels organisés et est une source de corruption dans toute la région. En l’absence, au Myanmar, de contrôle ou d’obligation de rendre compte, ce trafic, et la corruption qui en découle, atteint de nouveaux sommets.

Cette situation constitue une atteinte grave et persistante à la paix et à la sécurité internationales. Elle provoque aussi une crise internationale qui va en s’accentuant. Face à l’escalade de la violence, aux violations graves des droits de la personne, aux répercussions humanitaires sur les plus vulnérables, aux conséquences pour les pays voisins qui accueillent les personnes fuyant la violence et à l’absence de progrès tangibles vers la paix, il convient de prendre d’autres mesures coercitives.

La réponse du Canada à l’égard de cette crise comporte plusieurs volets. Le Canada refuse de légitimer le régime ou de collaborer avec ses responsables gouvernementaux, sauf sur certaines questions dans le cadre de l’ANASE ou lorsque cela est nécessaire pour fournir des services essentiels aux populations vulnérables. De même, il plaide pour que le reste de la communauté internationale se penche sur la situation, agisse à l’endroit de celle-ci et condamne le régime. Dans le même élan, le Canada demande au régime de mettre fin à la violence, de libérer les personnes détenues arbitrairement et d’engager un dialogue sincère avec l’ANASE. Le régime doit également permettre un accès humanitaire complet et sans entrave. À cela s’ajoutent trois séries de sanctions coordonnées avec les alliés du Canada, en plus d’un soutien aux efforts pour amener les responsables de crimes antérieurs et actuels à répondre de leurs actes au moyen des mécanismes de justice internationale. Le Canada apporte aussi une aide humanitaire et met en œuvre des programmes de développement au profit des populations vulnérables et touchées par le conflit. En outre, le Canada s’est engagé dans divers forums bilatéraux et multilatéraux pour continuer d’exercer des pressions et de maintenir l’attention sur la crise, tout en s’efforçant de maintenir ses programmes de développement afin de fournir des soins et des traitements essentiels aux populations vulnérables, y compris en ce qui concerne la COVID-19. Ces pressions soutenues, concertées et coordonnées, conjuguées à des initiatives pour encourager la coopération, ont pour but d’amener le régime à changer de cap et à participer aux efforts de paix internationaux, avec pour résultat de rétablir la paix, la démocratie, la prospérité et la stabilité dans ce pays. Il s’agit aussi de remédier à l’atteinte grave à la paix internationale que constitue cette situation, y compris la crise internationale importante qui en résulte. Le Canada est déterminé à coordonner ses efforts et à faire preuve de solidarité avec ses principaux alliés pour mieux atteindre ces objectifs.

Que ce soit par les voies bilatérales ou multilatérales, et afin de coordonner les mesures qui sont prises, le Canada participe activement aux efforts diplomatiques déployés à l’égard de la situation au Myanmar. Le 18 février 2021, des sanctions canadiennes contre 9 responsables du coup d’État ont été annoncées. Le 17 mai 2021, d’autres sanctions ont été annoncées contre 16 personnes et 9 entités. Enfin, le 10 décembre, lors d’une troisième annonce, 4 autres entités ont été frappées de sanctions. Toutes ces annonces ont été préparées et faites en coordination étroite avec le Royaume-Uni et les États-Unis.

Depuis 2007, le Canada a maintenu les sanctions imposées contre des personnes et des entités du Myanmar en vertu du Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Birmanie (le Règlement).

Le Règlement interdit aux personnes (particuliers et entités) au Canada et aux Canadiens à l’extérieur du Canada de mener les activités suivantes avec les personnes inscrites sur la liste :

Objectif

Description

Le Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Birmanie (les modifications) ajoute trois personnes liées au régime à l’annexe du Règlement.

Élaboration de la réglementation

Consultation

Affaires mondiales Canada s’entretient régulièrement avec les intervenants concernés, notamment les organisations de la société civile et les communautés culturelles, ainsi qu’avec d’autres gouvernements d’optique commune, au sujet de l’approche du Canada en matière de mise en œuvre des sanctions.

Concernant ces modifications, des consultations publiques n’auraient pas été appropriées, puisque la communication du nom des personnes visées par les sanctions entraînerait probablement la fuite de biens avant l’entrée en vigueur des modifications.

Obligations relatives aux traités modernes et consultation et mobilisation des Autochtones

Une première évaluation de la portée géographique de l’initiative a été effectuée et n’a pas permis de déterminer d’obligations découlant de traités modernes, puisque les modifications ne prennent pas effet dans une zone touchée par de tels traités.

Choix de l’instrument

Les règlements constituent l’unique méthode pour promulguer les sanctions au Canada. Aucun autre instrument ne pouvait être envisagé.

Analyse de la réglementation

Avantages et coûts

L’application de sanctions servira à faire pression sur le Tatmadaw pour qu’il modifie son comportement et à démontrer la volonté du Canada d’imposer des coûts réels à ceux qui s’efforcent d’entraver ou de saper les efforts internationaux visant à résoudre la crise au Myanmar. Cela démontrera en outre que ceux qui soutiennent le régime du Tatmadaw subiront des conséquences. Les sanctions communiquent un message clair que le Canada n’acceptera pas que des actions constituant une grave violation de la paix et de la sécurité internationales et entraînant une grave crise internationale continuent de se dérouler au Myanmar aux mains de l’armée en toute impunité. Comme les efforts déployés à ce jour n’ont pas convaincu le Tatmadaw d’accepter la responsabilité de ses actes, des sanctions supplémentaires envoient un message important du Canada et incitent le Tatmadaw à changer son comportement.

Les banques et les institutions financières canadiennes sont tenues de se conformer aux sanctions. Elles le feront en ajoutant les nouvelles interdictions à leurs systèmes de surveillance existants, ce qui pourrait entraîner un coût de conformité mineur.

Les modifications engendreront des coûts additionnels pour les entreprises demandant des permis les autorisant à effectuer des activités ou des transactions faisant l’objet d’une interdiction. Cependant, les coûts seront probablement faibles, car il est peu probable que les entreprises canadiennes aient des relations avec les personnes nouvellement inscrites sur la liste.

Lentille des petites entreprises

Comme il est peu probable que les entreprises canadiennes aient des relations dans ces secteurs, on ne s’attend pas à ce que les modifications entraînent une perte importante de débouchés pour les petites entreprises. Afin de faciliter la conformité des petites entreprises, Affaires mondiales Canada mène des activités de sensibilisation auprès des intervenants afin de mieux les informer des changements apportés au Règlement. Il s’agit notamment de la mise à jour du site Web sur les sanctions et de la création d’une ligne d’assistance téléphonique sur les sanctions.

De plus, le 9 avril 2021, le Canada a émis un avis aux entreprises afin de s’assurer que les entreprises canadiennes, y compris les petites entreprises, sont conscientes des risques commerciaux et de réputation accrus liés à faire des affaires au Myanmar. L’avis soulignait également les attentes du gouvernement du Canada en matière de pratiques commerciales responsables à l’étranger et recommandait aux entreprises canadiennes d’exercer des diligences raisonnables nécessaires et approfondies en matière de conduite des affaires responsable, notamment en examinant de près leurs chaînes d’approvisionnement pour déterminer si leurs activités soutiennent les conglomérats militaires ou leurs sociétés affiliées.

Règle du « un pour un »

La règle du « un pour un » ne s’applique pas aux présentes modifications, car elles n’imposent pas de fardeau administratif aux entreprises.

Coopération et harmonisation en matière de réglementation

Bien que les modifications ne soient pas liées à un plan de travail ou à un engagement dans le cadre d’un forum officiel de coopération réglementaire, elles s’harmonisent avec les mesures prises par des partenaires aux vues similaires.

Évaluation environnementale stratégique

Il est peu probable que les modifications entraînent des effets importants sur l’environnement. Conformément à la Directive du Cabinet sur l’évaluation environnementale des projets de politiques, de plans et de programmes, une analyse préliminaire a conclu qu’une évaluation environnementale stratégique n’est pas nécessaire.

Analyse comparative entre les sexes plus (ACS+)

Les modifications sont axées sur des personnes bien précises, soit des membres de l’armée du Myanmar (Tatmadaw), de hauts fonctionnaires nommés par l’armée et des personnes participant à des activités qui ont contribué à la grave rupture de la paix et de la sécurité internationales survenue au Myanmar, plutôt que sur le Myanmar dans son ensemble. Cela permet de minimiser les effets collatéraux sur ceux qui dépendent de ces personnes.

Des exemptions sont prévues dans le Règlement, notamment pour permettre la fourniture d’une aide humanitaire afin d’atténuer quelque peu les répercussions des sanctions sur les groupes vulnérables. La ministre des Affaires étrangères peut également délivrer des permis conformément au Décret concernant l’autorisation, par permis, à procéder à certaines opérations (mesures économiques spéciales – Birmanie). En tant que telles, ces nouvelles sanctions sont susceptibles d’avoir des répercussions limitées sur les citoyens du Myanmar.

Mise en œuvre, conformité et application, et normes de service

La Gendarmerie royale du Canada et l’Agence des services frontaliers du Canada sont chargées de l’application du règlement relatif aux sanctions. Conformément à l’article 8 de la Loi sur les mesures économiques spéciales, toute personne contrevenant au Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Birmanie encourt, sur déclaration de culpabilité, une amende maximale de 25 000 $ ou un emprisonnement maximal d’un an, ou les deux, ou par mise en accusation, un emprisonnement maximal de cinq ans.

Personne-ressource

Graham Dattels
Directeur
Direction Asie du Sud-Est II
Direction générale Asie du Sud-Est, Océanie, APEC et ANASE
Courriel : graham.dattels@international.gc.ca