La Gazette du Canada, Partie I, volume 156, numéro 20 : DÉCRETS

Le 14 mai 2022

MINISTÈRE DE L’ENVIRONNEMENT

LOI CANADIENNE SUR LA PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT (1999)

Décret approuvant l’Arrêté d’urgence modifiant l’application du Règlement sur les émissions de gaz à effet de serre des véhicules lourds et de leurs moteurs (normes pour les remorques)

C.P. 2022-451 Le 29 avril 2022

Sur recommandation du ministre de l’Environnement et en vertu du paragraphe 163(3) de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999)référence a, Son Excellence la Gouverneure générale en conseil approuve l’Arrêté d’urgence modifiant l’application du Règlement sur les émissions de gaz à effet de serre des véhicules lourds et de leurs moteurs (normes pour les remorques) pris le 19 avril 2022 par le ministre de l’Environnement.

NOTE EXPLICATIVE

(La présente note ne fait pas partie du Décret.)

Proposition

Conformément au paragraphe 163(3) de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) [LCPE], le présent décret approuve l’Arrêté d’urgence modifiant l’application du Règlement sur les émissions de gaz à effet de serre des véhicules lourds et de leurs moteurs (normes pour les remorques) [le quatrième arrêté d’urgence] pris par le ministre de l’Environnement (le ministre) le 19 avril 2022. Cet arrêté d’urgence est le quatrième pris par le ministre, et approuvé par la gouverneure en conseil, pour suspendre pour une autre année, soit jusqu’au 19 avril 2023, l’application des normes d’émissions de gaz à effet de serre (GES) pour les remorques du Règlement sur les émissions de gaz à effet de serre des véhicules lourds et de leurs moteurs au Canada.

Objectif

L’objectif du quatrième arrêté d’urgence est de prolonger la suspension de l’application des normes d’émissions de GES pour les remorques jusqu’à une autre année au Canada afin de maintenir l’harmonisation avec les États-Unis.

Contexte

Le Règlement

Le Règlement sur les émissions de gaz à effet de serre des véhicules lourds et de leurs moteurs (le Règlement), pris en vertu de la LCPE, a été publié dans la Partie II de la Gazette du Canada le 13 mars 2013. Les normes d’émissions de GES du Règlement s’appliquent aux véhicules lourds et à leurs moteurs des années de modèle 2014 et ultérieures et elles atteignent leur niveau maximal à compter de l’année de modèle 2018. Étant donné que le secteur de la fabrication de véhicules nord-américain est grandement intégré, ces normes sont alignées avec celles des États-Unis.

Le 30 mai 2018, le Règlement modifiant le Règlement sur les émissions de gaz à effet de serre des véhicules lourds et de leurs moteurs et d’autres règlements pris en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) [les modifications] a été publié dans la Partie II de la Gazette du Canada. Les modifications établissaient des normes d’émissions de GES plus rigoureuses pour les véhicules lourds routiers et leurs moteurs à compter de l’année de modèle 2021. Les modifications introduisaient de nouvelles normes d’émissions de GES pour les remorques tirées par des tracteurs routiers dont la fabrication est complétée le 1er janvier 2020 ou après cette date. Les modifications sont harmonisées avec les normes et les méthodes d’essais correspondantes aux États-Unis du règlement définitif intitulé Greenhouse Gas Emissions and Fuel Efficiency Standards for Medium- and Heavy-Duty Engines and VehiclesPhase 2 et publié en octobre 2016. Le Règlement vise les entreprises qui fabriquent ou importent de nouveaux véhicules lourds routiers, leurs moteurs et de nouvelles remorques en vue de leur vente au Canada.

En prenant la décision d’inclure les normes d’émissions de GES pour les remorques dans les modifications au Règlement, le Canada avait l’intention de suivre l’évolution du règlement aux États-Unis et d’évaluer si des modifications devaient être apportées dans l’avenir au règlement canadien apparenté selon la conclusion des procédures judiciaires aux États-Unis.

Les normes d’émissions pour les remorques aux États-Unis

Le 25 octobre 2016, l’Environmental Protection Agency (EPA des États-Unis) et la National Highway Traffic Safety Administration (NHTSA) des États-Unis ont publié le règlement définitif concernant la deuxième phase des normes d’émissions de GES et d’efficacité en carburant pour les véhicules lourds, leurs moteurs et les remorques (dénommé la phase 2). Les normes de la phase 2, mises en œuvre pour atteindre leur niveau maximal avec l’année de modèle 2027, s’appuient sur les normes existantes établies pour les années de modèle 2014 à 2018. De plus, le règlement définitif de la phase 2 introduisait de nouvelles normes pour les remorques tirées par des tracteurs routiers, puisque la conception des remorques a une incidence sur les émissions de GES et la consommation de carburant des véhicules utilisés pour les tirer.

En décembre 2016, la Truck Trailer Manufacturers Association (TTMA), l’association représentant l’industrie des remorques aux États-Unis, a déposé une pétition demandant la révision des normes de la phase 2 visant les remorques auprès d’une cour d’appel américaine, soit la U.S. Court of Appeals for the D.C. Circuit, aux motifs que l’EPA et la NHTSA des États-Unis n’ont pas l’autorité de réglementer les remorques. Au cours de l’année 2017, la TTMA a également déposé des pétitions selon le processus réglementaire américain (Petitions for Reconsideration) demandant que l’EPA des États-Unis reconsidère la mise en œuvre des normes d’émissions de GES pour les remorques, lesquelles devaient entrer en vigueur le 1er janvier 2018.

En réponse, le 17 août 2017, l’EPA des États-Unis a annoncé qu’elle entamait un processus réglementaire afin de modifier ses dispositions de la phase 2 relatives aux remorques. De plus, le 27 octobre 2017, la cour d’appel américaine a suspendu la mise en œuvre des dispositions relatives aux remorques de la phase 2 de l’EPA des États-Unis. Par conséquent, l’EPA des États-Unis n’a pas mis en œuvre ces dispositions.

La Californie a elle aussi des normes d’émissions de GES pour les remorques, au niveau de l’État, en harmonisation avec les normes de l’EPA des États-Unis. En décembre 2019, le California Air Resources Board a publié un avis pour suspendre l’application de ses normes d’émissions de GES pour les remorques au moins jusqu’au 1er janvier 2022, en raison de l’incertitude réglementaire engendrée par le procès et la suspension par la cour d’appel des normes pour les remorques de l’EPA des États-Unis. Il était aussi indiqué dans cet avis que la Californie fournirait aux entités réglementées un préavis écrit d’au moins six mois avant d’appliquer les normes d’émissions de GES pour les remorques.

En septembre 2020, la U.S. Court of Appeals for the D.C. Circuit a aussi suspendu la mise en œuvre des normes d’efficacité en carburant pour les remorques de la NHTSA. Ces normes devaient entrer en vigueur en janvier 2021.

En novembre 2021, la cour d’appel américaine a conclu que les remorques ne sont pas assujetties à la réglementation sous la Clean Air Act, et elle a invalidé les normes pour les remorques établies par la NHTSA et l’EPA des États-Unis. Ceux-ci n’ont pas encore modifié leurs règlements. La Californie n’a pas non plus émis d’avis mentionnant si ses normes d’émissions de GES pour les remorques seront appliquées.

Les arrêtés d’urgence

En janvier 2019, l’industrie canadienne de la fabrication de remorques et du camionnage a fait part au ministère de l’Environnement (le Ministère) de ses inquiétudes, à savoir qu’elle allait faire face à des répercussions économiques défavorables si le Canada allait de l’avant avec la mise en œuvre des normes pour les remorques alors que les normes correspondantes aux États-Unis sont suspendues. Elle a aussi recommandé de suspendre la mise en œuvre des normes pour les remorques jusqu’à ce qu’une analyse plus approfondie soit effectuée par le Ministère.

L’industrie de la fabrication des remorques du Canada est principalement constituée d’un éventail de petites entreprises avec moins de 100 employés qui fabriquent des remorques spécialisées et d’un nombre d’entreprises plus grandes qui produisent principalement des remorques fourgons et une variété de remorques plus spécialisées.

Les inquiétudes principales soulevées par l’industrie canadienne comprennent l’augmentation des coûts pour se conformer aux normes, une disponibilité de la technologie de réduction des émissions pour les remorques plus limitée que prévu en raison d’une production réduite aux États-Unis, et un important désavantage compétitif comparativement aux plus grands fabricants américains. Les fabricants de remorques canadiens sont inquiets que les plus grands fabricants aux États-Unis puissent plus facilement amortir les coûts différentiels associés à l’installation des nouvelles technologies sur une part de marché beaucoup plus importante.

La LCPE confère le pouvoir de prendre un arrêté d’urgence pour suspendre ou modifier l’application de règlements gouvernant les émissions des véhicules, des moteurs et d’équipements pour une période d’au plus un an en réponse à la décision d’une cour étrangère lorsque le règlement au Canada est harmonisé avec celui de cet autre pays. Conformément au paragraphe 163(1) de la LCPE, le ministre peut prendre un arrêté d’urgence afin de maintenir l’harmonisation.

Trois arrêtés d’urgence, chacun intitulé Arrêté d’urgence modifiant l’application du Règlement sur les émissions de gaz à effet de serre des véhicules lourds et de leurs moteurs (normes pour les remorques), ont successivement été pris par le ministre, soit le premier, le 27 mai 2019, le deuxième, le 18 mai 2020 et le troisième, le 3 mai 2021. Ces arrêtés d’urgence ont subséquemment été approuvés par la gouverneure en conseil le 9 juin 2019, le 6 juin 2020 et le 14 mai 2021, respectivement, suspendant l’application des normes pour les remorques au Canada jusqu’à un an après la prise des arrêtés d’urgence par le ministre. Le troisième arrêté d’urgence a suspendu temporairement l’application des normes d’émissions de GES pour les remorques du Règlement jusqu’au 3 mai 2022.

L’objectif de ces arrêtés d’urgence visait à permettre au Ministère d’évaluer les répercussions économiques de mettre en œuvre les normes pour les remorques au Canada sans que les normes correspondantes de l’EPA des États-Unis soient en vigueur, tout en attendant plus de certitude sur la voie que suivront les États-Unis.

L’analyse ministérielle complétée l’année dernière indique que la plupart des fabricants de remorques canadiens seraient désavantagés sur le plan économique si les normes pour les remorques n’étaient introduites qu’au Canada. La raison principale est que la plupart des fabricants de remorques et des entreprises de camionnage au Canada sont de petite taille relativement aux entreprises aux États-Unis et ont également une part inférieure du marché nord-américain. Ces plus petites entreprises ont moins d’occasions de répartir les coûts de conformité aux normes pour les remorques dans leurs activités. Les entreprises bénéficieraient de plus de temps pour adapter leurs opérations afin de produire et de se procurer davantage de technologies de réduction des GES sans qu’il y ait un cadre réglementaire aux États-Unis.

En l’absence de ce quatrième arrêté d’urgence, les entreprises visées par le Règlement seraient tenues d’assujettir leurs remorques aux normes décrites aux paragraphes 16.1(1) ou 33.1(1) ou (2) du Règlement, selon le cas. Ces normes sont alignées sur celles de l’EPA des États-Unis. Le Règlement s’applique à certaines remorquesréférence 1, telles qu’elles sont définies par le Règlement, dont la fabrication a été complétée le 1er janvier 2020 ou après cette date.

Répercussions

En vertu du paragraphe 163(3) de la LCPE, le quatrième arrêté d’urgence du ministre cesserait d’avoir effet 14 jours après avoir été pris à moins d’être approuvé par la gouverneure en conseil. Par le présent décret, la gouverneure en conseil approuve le quatrième arrêté d’urgence pour prolonger la suspension de l’application des normes d’émissions de GES pour les remorques au Canada jusqu’à un an après sa prise par le ministre. Conformément au paragraphe 163(5) de la LCPE, le quatrième arrêté d’urgence pourrait cesser d’avoir effet plus tôt que dans un an, s’il est abrogé ou si le Règlement est modifié ou abrogé de façon à donner effet à l’arrêté avant cette date, selon l’éventualité qui se présentera la première.

Puisque l’arrêté d’urgence actuel a expiré le 3 mai 2022, et étant donné la nature intégrée du marché nord-américain, un quatrième arrêté d’urgence est nécessaire pour maintenir l’harmonisation avec les États-Unis. La prise d’un autre arrêté d’urgence est justifiée dans cette situation compte tenu des incertitudes quant à l’application des normes sur les remorques aux États-Unis et pour permettre de plus amples consultations avec les parties prenantes sur la voie à suivre pour les remorques au Canada. Un arrêté d’urgence constitue l’outil le plus approprié pour répondre à ce type d’incertitude réglementaire et maintenir l’harmonisation avec les États-Unis jusqu’à ce que l’issue des normes pour les remorques soit clarifiée aux États-Unis. Le quatrième arrêté d’urgence n’a aucune incidence sur les dispositions relatives aux normes des véhicules et des moteurs du Règlement.

Suspendre l’application des normes pour les remorques de l’année de modèle 2023 diminuerait les réductions de GES prévues par le Règlement d’environ 0,4 mégatonne (Mt) d’équivalent en dioxyde de carbone (éq. CO2) au cours de la portion de la durée d’exploitation des remorques de cette année de modèle. Relativement aux 73 Mt d’éq. CO2 de réductions estimées pour les modifications au Règlement de 2018 dans son ensemble pour les années de modèle allant de 2020 à 2029, prolonger la suspension des normes pour les remorques d’une autre année de modèle avec ce quatrième arrêté d’urgence diminuerait les réductions de GES prévues d’environ 1,6 Mt d’éq. CO2 des remorques des années de modèle 2020, 2021, 2022 et 2023 combinées.

Pendant que le quatrième arrêté d’urgence est en place, l’industrie épargnera sur certains coûts (comme les coûts pour se conformer aux normes et les coûts d’investissement dans les nouvelles technologies), mais ce faisant, elle ne pourra tirer avantage des économies en carburants associées à l’adoption des technologies nécessaires pour se conformer aux normes. Ces économies prévues seraient inférieures à la réduction des avantages associés aux économies en carburants.

Consultation

Le Ministère continue de consulter l’industrie canadienne de la fabrication de remorques et du camionnage sur une base régulière. Il est prévu que l’industrie appuiera le quatrième arrêté d’urgence.

Dans la prochaine année, le Ministère va continuer à suivre la situation aux États-Unis et va entreprendre des consultations sur les options réglementaires pour déterminer la voie à suivre pour les normes sur les remorques au Canada.

Le Ministère s’est engagé à continuer à consulter toutes les parties prenantes, à bien examiner les questions pertinentes soulevées et à communiquer les décisions concernant les normes pour les remorques au Canada en temps opportun.

Personne-ressource

Stéphane Couroux
Directeur
Division des transports
Environnement et Changement climatique Canada
351, boulevard Saint-Joseph, 13e étage
Gatineau (Québec)
K1A 0H3
Téléphone : 819‑420‑8020
Courriel : Stephane.Couroux@canada.ca