Décret renvoyant au CRTC la décision de télécom CRTC 2023-358 : TR/2024-55

La Gazette du Canada, Partie II, volume 158, numéro 24

Enregistrement
TR/2024-55 Le 20 novembre 2024

LOI SUR LES TÉLÉCOMMUNICATIONS

Décret renvoyant au CRTC la décision de télécom CRTC 2023-358

C.P. 2024-1172 Le 5 novembre 2024

Attendu que la gouverneure en conseil a, le 9 février 2023, donné des instructions au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (le « Conseil ») par un décret intitulé Décret donnant au CRTC des instructions sur une approche renouvelée de la politique de télécommunication référence a (le « décret ») en vue de promouvoir la concurrence, le caractère abordable, les droits des consommateurs et l’accès universel;

Attendu que les articles 2 et 8 du décret énoncent les principaux objectifs qui devraient guider le Conseil lors de la prise de décisions de nature économique;

Attendu que le décret exige du Conseil qu’il rende obligatoire la fourniture de services d’accès haute vitesse de gros groupés (« services AHV groupés ») jusqu’à ce qu’il détermine qu’une concurrence vaste, durable et significative perdure;

Attendu que le Conseil a, le 8 mars 2023, publié l’avis de consultation de télécom CRTC 2023-56 intitulé Avis d’audience – Examen du cadre des services d’accès haute vitesse de gros pour permettre aux parties et aux intéressés de présenter leurs observations à l’égard du cadre des services d’accès haute vitesse de gros;

Attendu que le Conseil a, le 6 novembre 2023, rendu la décision de télécom CRTC 2023-358 intitulée Révision du cadre des services d’accès haute vitesse de gros – Accès temporaire aux installations de fibre jusqu’aux locaux des abonnés au moyen des services d’accès haute vitesse de gros groupés (la « décision CRTC 2023-358 »);

Attendu que, dans la décision CRTC 2023-358, le Conseil ordonne aux grandes entreprises de services locaux titulaires de fournir, dans les six mois suivant celle-ci, un accès aux installations de fibre jusqu’aux locaux des abonnés (« FTTP ») au moyen des services AHV groupés (« accès aux services groupés FTTP »), de façon temporaire et à des tarifs provisoires, dans leurs territoires de désserte en Ontario et au Québec, jusqu’à ce qu’il décide si un tel accès doit être offert à plus long terme;

Attendu que le paragraphe 12(1) de la Loi sur les télécommunications (la « Loi ») prévoit que, dans l’année qui suit la prise d’une décision par le Conseil, la gouverneure en conseil peut, par décret, soit de sa propre initiative, soit sur demande écrite présentée dans les quatre-vingt-dix jours suivant cette prise, modifier ou annuler la décision ou la renvoyer au Conseil pour réexamen de tout ou partie de celle-ci;

Attendu que Bell Canada a, le 2 février 2024, demandé par écrit à la gouverneure en conseil d’annuler ou modifier la décision CRTC 2023-358, ou encore d’enjoindre au Conseil de réexaminer celle-ci afin :

Attendu que, conformément au paragraphe 12(4) de la Loi, un avis de réception de la demande indiquant où celle-ci ou toute autre demande ou observation présentées en réponse à celle-ci peuvent être consultées et où il peut en être obtenu copie a été publié dans la Partie I de la Gazette du Canada par le ministre de l’Industrie le 27 avril 2024;

Attendu que, en application de l’article 13 de la Loi, le ministre de l’Industrie a donné aux provinces la possibilité de le consulter;

Attendu que la gouverneure en conseil a examiné la demande ainsi que tous les renseignements et avis reçus à son égard;

Attendu que le Conseil a, le 13 août 2024, établi la politique réglementaire CRTC 2024-180 intitulée Concurrence sur les marchés canadiens des services Internet, laquelle exige que Bell Canada, Bell Aliant, Bell MTS, Saskatchewan Telecommunications et TELUS Communications Inc. fournissent, à certaines conditions, un accès aux services groupés FTTP au plus tard le 13 février 2025;

Attendu que la gouverneure en conseil estime que, conformément à l’article 47 de la Loi, le Conseil a exercé ses pouvoirs et fonctions de manière à réaliser les objectifs de la politique canadienne de télécommunication et s’est conformé à tout décret qui lui était adressé au titre de l’article 8 de la Loi;

Attendu que l’imposition par voie réglementaire de la fourniture de services d’accès de gros est une mesure qui a fait ses preuves et que la gouverneure en conseil considère qu’un accès aux services groupés FTTP est essentiel pour favoriser une saine concurrence sur le marché des services Internet de détail;

Attendu que la gouverneure en conseil estime que la technologie FTTP est un élément qui gagne en importance sur le marché des services Internet de détail et que l’absence d’accès aux services groupés FTTP a constitué un obstacle à la concurrence;

Attendu que la gouverneure en conseil estime que le Conseil a procédé rapidement à un examen approfondi du cadre des services d’accès haute vitesse de gros dans le but d’améliorer l’offre aux consommateurs et d’accroître la concurrence;

Attendu que les trois plus grands fournisseurs de services de télécommunication au Canada, à savoir Bell Canada, Rogers Communications Canada Inc. et TELUS Communications Inc., ont une taille disproportionnée par rapport aux autres fournisseurs de services Internet;

Attendu que ces trois entreprises fournissent également des services sans fil mobiles de détail dans tout le pays et qu’il a été démontré qu’elles exercent ensemble dans ce secteur particulier, un pouvoir de marché dans toutes les provinces à l’exception de la Saskatchewan et des territoires;

Attendu que les services sans fil mobiles et les services Internet sont souvent regroupés;

Attendu que le retour sur l’investissement et les coûts d’entretien des infrastructures à large bande dans les régions moins densément peuplées fluctuent selon le taux de pénétration du marché des services Internet de détail;

Attendu que la gouverneure en conseil est préoccupée par les investissements futurs et récurrents dans les infrastructures et les services à large bande en Ontario et au Québec, y compris dans les communautés rurales, éloignées et autochtones, lesquels, s’ils ne sont pas rentables, pourraient entraîner une diminution de la qualité des services Internet de détail et de l’offre aux consommateurs;

Attendu que la gouverneure en conseil est préoccupée par la viabilité des petits fournisseurs et des fournisseurs régionaux de services Internet;

Attendu que la gouverneure en conseil estime qu’il convient d’adopter une approche prudente en la matière,

À ces causes, sur recommandation du ministre de l’Industrie et en vertu du paragraphe 12(1) de la Loi sur les télécommunications, Son Excellence la Gouverneure générale en conseil renvoie la décision de télécom CRTC 2023-358 au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes afin qu’il réexamine, au plus tard dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date de la prise du présent décret, la question à savoir si l’interdiction visant Bell Canada, Rogers Communications Canada Inc. et de TELUS Communications Inc., et leurs filiales d’utiliser des services groupés FTTP soumis à la tarification approuvée par le Conseil devrait s’appliquer en Ontario et au Québec.

NOTE EXPLICATIVE

(La présente note ne fait pas partie du Décret.)

Proposition

Que le gouverneur en conseil (GEC), sur recommandation du ministre de l’Industrie et en vertu du paragraphe 12(1) de la Loi sur les télécommunications (la « Loi »), renvoie la décision de télécom CRTC 2023-358 au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) afin qu’il réexamine, au plus tard dans les 90 jours après la date du présent décret, la question à savoir si l’accès aux installations de fibre jusqu’aux locaux des abonnés au moyen des services d’accès haute vitesse de gros groupés (« accès aux services groupés FTTP ») à des taux et des modalités tarifés de Bell Canada, Rogers Communications Canada Inc. et TELUS Communications Inc., et leurs filiales, devrait être restreint en Ontario et au Québec.

Objectif

Prendre acte de la célérité avec laquelle le CRTC a lancé l’instance générale sur les services de gros et a rendu obligatoire l’accès de gros temporaire aux réseaux de fibre optique en Ontario et au Québec. En outre, demander au CRTC de réexaminer un élément de la décision dans un délai de 90 jours, comme décrit ci-dessus. Cette demande de réexamen répond aux préoccupations concernant l’analyse de rentabilité de l’investissement futur et continu de l’infrastructure dans les régions moins densément peuplées, y compris dans les communautés rurales, éloignées et autochtones; l’état de la concurrence et la viabilité des petits fournisseurs et des fournisseurs régionaux; le risque anticipé d’une éventuelle diminution correspondante de la qualité et du choix pour les consommateurs.

Contexte

Le 8 mars 2023, le CRTC a lancé une instance visant à examiner son cadre actuel pour les services d’accès haute vitesse (AHV) de gros à la lumière de l’évolution des conditions du marché, des défis importants liés à la mise en œuvre du cadre et de l’importance pour les Canadiens d’avoir accès à un plus grand choix et à des services plus abordables. Dans le cadre de cette instance, le CRTC a entamé un processus accéléré pour déterminer si les grandes entreprises de téléphonie et de câblodistribution titulaires doivent fournir à des entreprises tierces (concurrents de gros) l’accès à leurs réseaux FTTP.

Le 6 novembre 2023, le CRTC a rendu une décision ordonnant aux grandes entreprises de téléphonie titulaires de fournir un accès de gros viable à leurs réseaux FTTP en Ontario et au Québec d’ici le 7 mai 2024 (« la décision »). Le CRTC a déclaré que la décision permettra aux concurrents de gros d’offrir des services FTTP à plus de cinq millions de ménages canadiens. Parallèlement, le CRTC continuera à faire avancer l’instance générale relative aux services de gros afin de garantir que tous les Canadiens bénéficient d’un large éventail de services Internet haute vitesse abordables, le plus rapidement possible.

Le 2 février 2024, Bell a présenté une demande auprès du GEC, demandant l’annulation de la décision. Le principal argument de Bell était que la décision minait l’investissement et aurait des effets négatifs importants sur la concurrence, la résilience et l’évolution de ses réseaux, en particulier dans les communautés rurales, éloignées et autochtones. Si le GEC n’annule pas la décision, Bell a proposé d’autres mesures de redressement, demandant au GEC de modifier la décision ou de la renvoyer au CRTC pour réexamen et de l’instruire à ce que :

Le 13 août 2024, le CRTC a publié la Politique réglementaire de télécom CRTC 2024-180 (« la décision du mois d’août »), qui prolonge le mandat des services de gros groupés FTTP à l’échelle du Canada et exige que les plus grandes entreprises de téléphonie — Bell Canada, Saskatchewan Telecommunications (SaskTel) et TELUS Communications Inc. (TELUS) — fournissent à leurs concurrents un accès de gros réalisable à leurs réseaux de fibre optique au plus tard le 13 février 2025, sous réserve de certaines restrictions, notamment : (1) aucune fibre déployée après le 13 août 2024 ne sera disponible pour l’accès de gros avant le 13 août 2029; et (2) les plus grands fournisseurs de services Internet du Canada sont limités à l’utilisation de leurs propres réseaux pour faire concurrence dans leurs propres territoires (c’est-à-dire là où ils ont traditionnellement desservi). Le CRTC s’est engagé à fixer des tarifs provisoires pour l’accès aux services de gros groupés FTTP d’ici à la fin de 2024, les tarifs définitifs devant suivre. Malgré la publication de la décision du mois d’août, la décision reste en vigueur et le GEC est toujours tenu de répondre à la demande de Bell dans les délais prévus par la loi, en l’occurrence du 6 novembre 2024.

Répercussions

La demande peut être divisée en deux catégories : la demande principale d’annuler le cadre de l’accès aux services de gros tel qu’il est défini dans la décision, ou encore la demande d’adopter de nouvelles règles d’accès applicables au cadre de l’accès temporaire aux services de gros.

En ce qui concerne la première demande de redressement, il est recommandé que le GEC décline la demande d’annulation de la décision, car le fait de rendre obligatoire l’accès aux services de gros groupés FTTP profitera aux Canadiens en améliorant les résultats sur le marché grâce à un plus grand choix de forfaits de services et de fournisseurs.

Toutefois, il est recommandé au GEC d’adopter une approche prudente, compte tenu des préoccupations énumérées ci-dessus et de certaines considérations, notamment la taille disproportionnée des trois plus grands fournisseurs de services de télécommunications au Canada (Bell Canada, Rogers Communications Inc. et TELUS Communications Inc.) et la constatation que ces trois fournisseurs exercent ensemble un pouvoir de marché dans la fourniture de services sans fil.

Par conséquent, en renvoyant la décision au CRTC, le GEC devrait s’attendre à ce que le CRTC prenne en considération les préoccupations énumérées ci-dessus en matière de concurrence et d’investissement. Le présent décret demanderait au CRTC à réexaminer la question rapidement et de publier ses résultats dans les 90 jours.

Le CRTC a consulté les parties prenantes au cours de son examen général du cadre des services de gros et a fait savoir que l’accès établi par le biais du mandat temporaire pourrait être modifié, et que toute entreprise utilisant le mandat temporaire devrait donc évaluer les risques de le faire. Ainsi, toute modification du cadre découlant du réexamen du CRTC constitue des risques qui auraient pu raisonnablement être prévus par les parties prenantes utilisant le cadre des services de gros.

Consultation

Conformément à la Loi, un avis concernant la demande a été publié dans la Partie I de la Gazette du Canada le 27 avril 2024 et le gouvernement a lancé des consultations publiques sur la demande pendant 45 jours. Sur les 18 commentaires reçus, 4 provenaient de fournisseurs titulaires, 8 de fournisseurs de réseaux, 3 de fournisseurs ou d’associations de gros, un d’un petit fournisseur doté d’installations et 2 de particuliers. SaskTel et plusieurs fournisseurs de réseaux ont appuyé la demande, soulignant l’impact négatif que la décision pourrait avoir sur les investissements.

Les commentaires reçus qui n’appuyaient pas la pétition soulignaient la nécessité d’un cadre groupé à la lumière de la détermination du CRTC selon laquelle le régime dégroupé actuel ne favorisait pas véritablement la concurrence. TELUS, TekSavvy, les Opérateurs des réseaux concurrentiels canadiens (ORCC), l’Independent Telecommunications Providers Association (ITPA) et Beanfield ont proposé diverses mesures de rechange. TekSavvy, les ORCC et l’ITPA ont accepté la solution de rechange proposée par Bell pour limiter l’accès des fournisseurs titulaires aux services de gros.

Les soumissions publiques reçues sont disponibles sur le site Web d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada à l’adresse suivante :

Commentaires reçus sur la Demande présentée à la gouverneure en conseil concernant la décision de télécom CRTC 2023-358.

En outre, les ministres provinciaux et territoriaux compétents ont eu la possibilité de commenter la demande, à titre confidentiel, conformément à l’article 13 de la Loi, et leurs réponses ont été prises en considération.

Personne-ressource

Andre Arbour
Directeur général
Direction générale des politiques de télécommunications et d’Internet
Innovation, Sciences et Développement économique
235, rue Queen, 10e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0H5
Courriel : telecomsubmission-soumissiontelecom@ised-isde.gc.ca