Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie : DORS/2024-131

La Gazette du Canada, Partie II, volume 158, numéro 14

Enregistrement
DORS/2024-131 Le 13 juin 2024

LOI SUR LES MESURES ÉCONOMIQUES SPÉCIALES

C.P. 2024-708 Le 13 juin 2024

Attendu que la gouverneure en conseil juge que des violations graves et systématiques des droits de la personne ont été commises dans la Fédération de Russie,

À ces causes, sur recommandation de la ministre des Affaires étrangères et en vertu de l’alinéa 4(1)a)référence a et des paragraphes 4(1.1)référence b, (2)référence c et (3) de la Loi sur les mesures économiques spéciales référence d, Son Excellence la Gouverneure générale en conseil prend le Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie, ci-après.

Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie

Modification

1 La partie 1.1 de l’annexe 1 du Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie référence 1 est modifiée par adjonction, selon l’ordre numérique, de ce qui suit :

Antériorité de la prise d’effet

3 Pour l’application de l’alinéa 11(2)a) de la Loi sur les textes réglementaires, le présent règlement prend effet avant sa publication dans la Gazette du Canada.

Entrée en vigueur

4 Le présent règlement entre en vigueur à la date de son enregistrement.

RÉSUMÉ DE L’ÉTUDE D’IMPACT DE LA RÉGLEMENTATION

(Le présent résumé ne fait pas partie du Règlement.)

Enjeux

La Fédération de Russie continue de commettre des violations des droits de la personne dans son pays. Le système judiciaire russe est sous le contrôle du pouvoir politique fédéral, il ne permet pas la tenue de procédures équitables et impartiales et il a été utilisé pour condamner les voix de l’opposition. L’emprisonnement et le décès récent de l’opposant russe Alexeï Navalny sont des exemples des mesures prises par la Russie.

Contexte

Des experts, notamment les missions d’enquête du mécanisme de Moscou de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), la Commission internationale indépendante d’enquête sur l’Ukraine et le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH), ont conclu que la Russie commettait de graves violations des droits de la personne, des crimes de guerre, d’éventuels crimes contre l’humanité et des violences sexuelles liées au conflit en Ukraine. Ces études ont établi un lien entre la répression systématique et les violations des droits de la personne commises par la Russie sur son territoire et son agression à l’extérieur, qui a porté atteinte à la paix et à la sécurité internationales.

La persécution d’Alexeï Navalny par le gouvernement russe, qui dure depuis des décennies — poursuites judiciaires, emprisonnement, tentative de meurtre par empoisonnement chimique, torture et finalement mort dans une colonie pénitentiaire de l’Arctique — démontre le mépris permanent du gouvernement russe pour les valeurs de l’État de droit et les droits de la personne de ses citoyens. Le traitement que les autorités russes ont réservé à Alexeï Navalny constitue une violation flagrante et systématique des droits de la personne, et n’est qu’un exemple parmi d’autres d’un type de comportement qui suggère que Vladimir Poutine et ses fonctionnaires continueront à s’en prendre aux voix de l’opposition et à ceux qui sont considérés comme une menace pour leur contrôle du peuple russe.

En janvier 2021, à son retour d’Allemagne où il avait été soigné à la suite d’une tentative présumée d’empoisonnement par le Service fédéral de sécurité (FSB), le KGB moderne, Navalny a été arrêté et emprisonné dans une colonie pénitentiaire du centre de la Russie. À la fin de 2023, les associés de Navalny ont été informés qu’il allait être transféré dans une colonie pénitentiaire arctique isolée, Polar Wolf, dans la région de Yamal. Il s’agit de l’une des colonies les plus septentrionales de Russie, où les personnes condamnées pour les crimes les plus graves purgent leur peine. De nombreux rapports font état de meurtres, de tortures et d’autres violations systématiques des droits de la personne dans la colonie pénitentiaire de Polar Wolf. De nombreuses sources médiatiques indépendantes ont cité d’anciens prisonniers de Polar Wolf qui affirment que l’administration de cette colonie pénitentiaire recourt régulièrement à la torture, par exemple en versant de l’eau froide sur des personnes soumises à des températures extérieures glaciales, pour la moindre infraction. À Polar Wolf, Navalny a été détenu dans des conditions extrêmes et placé dans une « cellule de punition », c’est-à-dire une cellule d’isolement.

Le 15 février 2024, Alexeï Navalny a participé à une séance du tribunal par liaison vidéo. Les images, diffusées par une source non officielle un jour avant la mort présumée de M. Navalny, sont les dernières connues et le montrent seul, usant d’humour pour dialoguer avec les autorités qui le persécutent. Le lendemain, les autorités russes ont annoncé la mort d’Alexeï Navalny. Elles ont rejeté les appels internationaux en faveur d’une enquête indépendante et transparente sur sa mort et ont longtemps refusé de coopérer avec sa famille. Ce n’est que neuf jours après sa mort présumée qu’elles ont rendu sa dépouille à la mère de M. Navalny pour qu’elle soit enterrée, après de nombreuses demandes et des ultimatums de la part des autorités russes. Dans le même temps, ils ont brutalement réprimé les personnes en deuil de Navalny dans tout le pays, en arrêtant arbitrairement des gens, en les battant, en les jugeant et en les emprisonnant.

Le Canada a toujours condamné le traitement réservé à Alexeï Navalny par les autorités russes et a déjà imposé des séries de sanctions à des membres des secteurs de la justice et de la sécurité russes, notamment des hauts fonctionnaires des services judiciaires, pénitentiaires et de poursuite de la Russie impliqués dans les mauvais traitements et la mort de M. Navalny. Le Canada s’est joint à ses partenaires internationaux pour condamner le traitement de M. Navalny et tenir le président russe Vladimir Poutine pour pleinement responsable de sa mort. Le 21 février 2024, le sous-ministre adjoint d’Affaires mondiales Canada pour l’Europe, l’Arctique, le Moyen-Orient et le Maghreb a convoqué l’ambassadeur de Russie au Canada, Oleg Stepanov, pour condamner dans les termes les plus forts la mort de M. Navalny.

Le Canada a clairement indiqué qu’il attendait une enquête complète et transparente sur la mort d’Alexeï Navalny. Le 3 mars 2024, plus de 40 pays, dont le l’Union européenne, le Canada, le Royaume-Uni, les États-Unis et l’Ukraine, ont réitéré leurs appels au Conseil des droits de l’homme des Nations unies pour que la Russie autorise une enquête internationale indépendante sur la mort d’Alexeï Navalny en prison. La déclaration condamne également le mépris de la Russie pour les droits de la personne de ses propres citoyens et appelle la Russie à libérer immédiatement et sans condition tous les autres prisonniers politiques et défenseurs des droits de la personne.

M. Navalny n’est pas le seul à avoir été pris pour cible par le régime en raison de ses activités d’opposition. La Russie de Vladimir Poutine a un passé avéré de violations des droits de la personne, de ciblage des opposants politiques et des critiques, et de répression de la dissidence interne, parfois de manière violente. Les groupes internationaux et locaux de défense des droits de la personne font état de nombreux cas de mauvais traitements commis par les forces de l’ordre et les organisations correctionnelles, notamment des sévices physiques infligés à des détenus par la police, des actes de torture ou des mauvais traitements graves infligés à des détenus dans des colonies pénitentiaires et la détention de personnes pour association avec des organisations d’opposition. Le gouvernement russe a également fait savoir qu’il n’était pas disposé à répondre aux préoccupations de la communauté internationale sur ces questions.

Objectif

Description

Les modifications ajoutent 13 personnes à l’annexe 1 du Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie (le Règlement) qui ont participé à des violations flagrantes et systématiques des droits de la personne en Russie. Ces personnes sont de hauts fonctionnaires ou des employés de haut rang de l’agence d’investigation, de l’administration pénitentiaire et des forces de police russes qui ont été impliqués dans les mauvais traitements et la mort de M. Navalny.

Il est interdit à toute personne au Canada, ainsi qu’aux Canadiens à l’étranger d’effectuer des opérations sur les biens des personnes figurant sur la liste, de conclure des transactions avec elles, de leur fournir des services, de leur transférer des biens ou de mettre des biens à leur disposition de quelque manière que ce soit. Ces mesures rendront également les personnes inscrites inadmissibles au Canada en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

En vertu du Règlement, les personnes inscrites peuvent demander à la ministre des Affaires étrangères que leur nom soit retiré de la liste des personnes désignées. Le ministre doit déterminer s’il existe des motifs raisonnables de recommander la radiation au gouverneur en conseil.

Élaboration de la réglementation

Consultation

Affaires mondiales Canada s’entretient régulièrement avec les parties prenantes concernées, notamment des organisations de la société civile, des communautés culturelles et d’autres gouvernements aux vues similaires, au sujet de la démarche suivie par le Canada pour appliquer des sanctions.

En ce qui concerne les modifications, il ne convenait pas de tenir des consultations publiques compte tenu de l’urgence d’imposer ces mesures. Publier le nom des personnes visées par les sanctions aurait probablement entraîné une fuite de biens avant l’entrée en vigueur des modifications.

Obligations relatives aux traités modernes et consultation et mobilisation des Autochtones

Une première évaluation de la portée géographique du Règlement a été réalisée et n’a pas permis de cerner d’obligations relatives aux traités modernes, étant donné qu’il n’y a pas d’effet dans une zone visée par un traité moderne.

Choix de l’instrument

Au Canada, les règlements sont le seul instrument permettant de promulguer des sanctions. Aucun autre instrument ne pourrait être envisagé.

Analyse de la réglementation

Avantages et coûts

La gestion et l’application de ces interdictions supplémentaires entraînent des coûts additionnels minimes pour le gouvernement du Canada. Les sanctions visant des entités et des particuliers précis ont moins d’incidence sur les entreprises canadiennes que les sanctions économiques habituelles à grande échelle, et ont un effet limité sur les citoyens du pays des entités et particuliers visés. Selon une évaluation initiale d’informations disponibles en source ouverte, il est estimé que les particuliers nouvellement visés ont des liens limités avec le Canada et, par conséquent, qu’ils n’ont pas de relations d’affaires importantes pour l’économie canadienne. On s’attend donc à ce que les modifications n’aient pas d’impacts significatifs sur les Canadiens et les entreprises canadiennes.

Les banques et les institutions financières canadiennes sont tenues de se conformer aux sanctions. Pour ce faire, elles ajouteront les nouvelles entités et les nouveaux particuliers désignés à leurs systèmes de surveillance existants, ce qui pourrait entraîner un coût de mise en conformité.

Lentille des petites entreprises

L’analyse sous la lentille des petites entreprises a permis de conclure que les modifications n’auront aucune incidence sur les petites entreprises canadiennes. Le Règlement interdit aux entreprises canadiennes de traiter avec les personnes figurant sur la liste, de leur fournir des services ou de mettre des biens à leur disposition, mais il ne crée aucune obligation administrative directe à leur égard. Bien que les entreprises canadiennes puissent demander des permis en vertu du Règlement, ceux-ci sont accordés à titre exceptionnel, et Affaires mondiales Canada ne prévoit pas de demandes résultant de l’inscription de ces personnes, de sorte que cette exigence n’entraînerait pas de charge administrative supplémentaire. Les petites entreprises canadiennes sont également soumises à l’obligation de divulgation en vertu du Règlement, ce qui représenterait une exigence de conformité directe. Toutefois, comme les personnes nouvellement inscrites ont peu de liens connus avec le Canada, Affaires mondiales Canada ne prévoit pas de divulgations résultant de ces modifications.

Règle du « un pour un »

La règle du « un pour un » ne s’applique pas, car il n’y a pas de changement venant accroître le fardeau administratif pour les entreprises. Le processus de délivrance de licences pour les entreprises correspond à la définition de « fardeau administratif » dans la Loi sur la réduction de la paperasse, mais comme celles-ci sont accordées à titre exceptionnel étant donné les échanges commerciaux minimes avec la Russie, Affaires mondiales Canada ne prévoit pas de demande de licence découlant des modifications apportées.

Coopération et harmonisation en matière de réglementation

Bien que les modifications ne soient pas liées à un plan de travail ou à un engagement pris dans un cadre de coopération officiel en matière de réglementation, elles correspondent aux mesures prises par les alliés du Canada. Les sanctions sont le plus efficaces lorsqu’elles sont appliquées de manière concertée. De nombreux partenaires du Canada, dont les opinions convergent, notamment l’Australie, l’Union européenne, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni et les États-Unis, ont également adopté des sanctions en réponse aux mauvais traitements et à la mort d’Alexeï Navalny.

Évaluation environnementale stratégique

Le Règlement n’est pas susceptible d’entraîner des effets importants sur l’environnement. Conformément à la Directive du Cabinet sur l’évaluation environnementale des projets de politiques, de plans et de programmes, une analyse préliminaire a permis de conclure qu’une évaluation environnementale stratégique n’était pas nécessaire.

Analyse comparative entre les sexes plus

Les effets des sanctions économiques sur l’égalité des genres et la diversité ont déjà fait l’objet d’évaluations. Bien qu’elles visent à encourager un changement de comportement en exerçant une pression économique sur des particuliers et des entités dans un État étranger, les sanctions prises en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales (LMES) peuvent néanmoins avoir une incidence involontaire sur certains groupes et certaines personnes vulnérables. Or, au lieu d’avoir un effet sur la Russie dans son ensemble, les sanctions ciblées adoptées toucheront plutôt les personnes soupçonnées d’être engagées dans des activités qui, directement ou indirectement, soutiennent, financent ou contribuent à une violation de la souveraineté ou de l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Par conséquent, il est peu probable que les modifications aient un impact significatif sur les groupes vulnérables par rapport aux sanctions économiques traditionnelles de grande ampleur dirigées contre un État.

Mise en œuvre, conformité et application, et normes de service

Les modifications entrent en vigueur le jour de leur enregistrement.

À la suite de leur inscription sur la liste du Règlement, et conformément à l’application de l’alinéa 35.1b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, les personnes inscrites sur la liste seraient interdites de territoire au Canada.

Les noms des particuliers et entités inscrits seront disponibles en ligne pour que les institutions financières puissent en prendre connaissance et seront ajoutés à la Liste consolidée des sanctions autonomes canadiennes. Cela facilitera le respect des règlements relatifs à la Russie.

Le Service des délégués commerciaux du Ministère à l’étranger et au Canada continue d’aider ses clients à comprendre la réglementation canadienne en matière de sanctions, et notamment l’impact du règlement sur la Russie sur les activités auxquelles les Canadiens pourraient prendre part. Le Ministère intensifie également ses efforts de sensibilisation dans tout le Canada — notamment auprès des entreprises, des universités et des gouvernements provinciaux et territoriaux — afin d’améliorer la connaissance et le respect des sanctions canadiennes à l’échelle nationale.

Au titre de la LMES, les agents de la Gendarmerie royale du Canada et de l’Agence des services frontaliers du Canada peuvent imposer des sanctions en vertu des pouvoirs qui leur sont conférés par la Loi sur les douanes, la Loi sur l’accise ou la Loi de 2001 sur l’accise, ainsi que par les articles 487 à 490, 491.1 et 491.2 du Code criminel.

Conformément à l’article 8 de la LMES, quiconque contrevient sciemment au Règlement est passible, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, d’une amende maximale de 25 000 $ ou d’une peine d’emprisonnement maximale d’un an, ou d’une combinaison des deux; ou encore, sur déclaration de culpabilité par mise en accusation, d’une peine d’emprisonnement maximale de cinq ans.

Personne-ressource

Affaires mondiales Canada
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