Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant Haïti : DORS/2023-143
La Gazette du Canada, Partie II, volume 157, numéro 14
Enregistrement
DORS/2023-143 Le 21 juin 2023
LOI SUR LES MESURES ÉCONOMIQUES SPÉCIALES
C.P. 2023-591 Le 20 juin 2023
Attendu que la gouverneure en conseil juge que des violations graves et systématiques des droits de la personne ont été commises en République d’Haïti,
À ces causes, sur recommandation de la ministre des Affaires étrangères et en vertu des paragraphes 4(1)référence a, (1.1)référence b, (2)référence c et (3) de la Loi sur les mesures économiques spéciales référence d, Son Excellence la Gouverneure générale en conseil prend le Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant Haïti, ci-après.
Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant Haïti
Modifications
1 (1) L’article 2 du Règlement sur les mesures économiques spéciales visant Haïti référence 1 est modifié par adjonction, après l’alinéa a), de ce qui suit :
- a.1) une personne ayant participé à des violations graves et systématiques des droits de la personne en Haïti;
(2) L’alinéa 2c) du même règlement est remplacé par ce qui suit :
- c) un associé d’une personne visée à l’un des alinéas a) à b);
2 L’annexe du même règlement est modifiée par adjonction, après la partie 2, de ce qui suit :
PARTIE 3
Particuliers — violations graves des droits de la personne
- 1 Joseph Wilson (né le 28 février 1993) (aussi connu sous le nom de Lanmo Sanjou)
- 2 Vitel’homme Innocent (né le 27 mars 1986)
- 3 Johnson André (aussi connu sous le nom de Izo)
- 4 André Apaid (né en 1952)
Antériorité de la prise d’effet
3 Pour l’application de l’alinéa 11(2)a) de la Loi sur les textes réglementaires, le présent règlement prend effet avant sa publication dans la Gazette du Canada.
Entrée en vigueur
4 Le présent règlement entre en vigueur à la date de son enregistrement.
RÉSUMÉ DE L’ÉTUDE D’IMPACT DE LA RÉGLEMENTATION
(Le présent résumé ne fait pas partie du Règlement.)
Enjeux
Les membres de l’élite haïtienne profitent de leur position, de leur association avec des personnages politiques, de leur influence et des ressources à leur disposition pour protéger ou appuyer les activités de gangs criminels, entraînant des violations graves et systématiques des droits de la personne, dont des actes de violence sexuelle, ainsi qu’une grave crise humanitaire.
Contexte
Depuis plusieurs années, Haïti est en proie à une crise multidimensionnelle caractérisée par une inflation galopante, une pauvreté chronique, une insécurité alarmante ainsi qu’une impasse politique qui paralyse la plupart des institutions publiques. C’est dans ces circonstances que les Haïtiennes et les Haïtiens voient leurs droits fondamentaux bafoués sur une base quotidienne.
Le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant Haïti (le Règlement) annoncé le 4 novembre 2022 et ses modifications subséquentes permettent au Canada d’imposer des sanctions ciblées contre les membres de gangs criminels armés qui commettent des actes d’une violence sans nom à l’encontre de la population, y compris des actes de violence sexuelle, et contre les personnes qui financent ou soutiennent ces activités ou qui en profitent d’une quelconque façon. Les gangs recourent aux violences sexuelles, notamment au viol collectif, pour terroriser les populations sous l’emprise de groupes rivaux et leur faire du mal. Dans les collectivités sous l’emprise de ces gangs, des femmes et des filles sont aussi victimes d’exploitation sexuelle. Bien que les cas de violence sexuelle ne sont que très peu dénoncés, le rapport de 2023 d’une organisation locale de défense des droits de la personne indique qu’au moins 652 femmes et filles vivant dans des zones contrôlées par des gangs ont été victimes de viols individuels et collectifs dans la dernière année.
En plus de terroriser et d’assujettir la population, les gangs agissent sous la protection d’élites politiques et d’oligarques, et assassinent, blessent et commettent délibérément des actes de violence sexuelle pour étendre leur contrôle territorial et effrayer la population. L’insécurité continue de régner, les gangs assoyant leur contrôle sur de vastes pans de la capitale.
La communauté internationale est au fait de la crise actuelle et prend des mesures pour limiter le soutien financier dont bénéficient ceux qui perpétuent la violence en Haïti, comme en témoigne l’adoption unanime, le 21 octobre 2022 par le Conseil de sécurité des Nations Unies, d’une résolution établissant un nouveau régime de sanctions. En étroite coordination avec les États-Unis, le Canada a établi un régime de sanctions autonomes visant à exercer une pression immédiate sur ceux qui soutiennent ou fomentent la violence en Haïti, une mesure qui a pour but de mettre fin à la violence et de permettre aux autorités haïtiennes de rétablir la loi et l’ordre. Le Canada et les États-Unis ont continué de travailler de concert pour renforcer ces mesures, notamment en déterminant des cibles supplémentaires.
Les modifications réglementaires cadrent avec la politique et les objectifs existants pour faire face à la crise multidimensionnelle qui sévit en Haïti, en plus de faire progresser les objectifs stratégiques portant sur la promotion des droits de la personne et la lutte contre la corruption et l’impunité. Enfin, les modifications réglementaires viennent s’ajouter aux mesures en place, renforçant ainsi l’engagement indéfectible du Canada à promouvoir le développement, la paix et la sécurité de la région et à travailler en collaboration avec la communauté internationale pour aider les autorités haïtiennes à rétablir la loi et l’ordre.
Objectif
Les sanctions visent à faire pression sur les chefs de gangs et les personnes qui leur sont affiliées au sein de l’élite politique et économique, et qui sont responsables de violations flagrantes et systématiques des droits de la personne.
Description
Les modifications ajouteront un nouveau critère à l’article 2 du Règlement afin que puissent être inscrites sur la liste en annexe des personnes ayant participé à des violations graves et systématiques des droits de la personne en Haïti.
Dans le cadre de ces modifications, quatre personnes seront assujetties à une interdiction générale d’opérations ainsi qu’à une interdiction de territoire au Canada. Il y a lieu de croire que ces quatre personnes — des chefs de gangs et un membre de l’élite économique — se sont livrées à des violations graves et systématiques des droits de la personne et qu’elles ont utilisé leur influence et les ressources à leur disposition pour protéger ou appuyer les activités de gangs criminels, notamment en utilisant la violence pour manipuler les élections et en commettant d’autres actes odieux. Ces gangs commettent des violences indicibles et terrorisent les populations vulnérables en toute impunité.
Il est interdit à toute personne ou entité au Canada ainsi qu’aux citoyens, citoyennes et entités du Canada à l’étranger d’effectuer des opérations sur les biens des personnes inscrites sur la liste, de conclure des transactions avec elles, de leur fournir des services financiers ou de nature financière ou de mettre des biens à leur disposition. De plus, comme ces personnes sont inscrites sur la liste du Règlement en réponse à des actes de corruption importants, elles sont également interdites de territoire au Canada en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.
Élaboration de la réglementation
Consultation
Affaires mondiales Canada s’entretient régulièrement avec les intervenants concernés en Haïti, dont des organisations de la société civile et d’autres gouvernements d’optique commune, au sujet de l’approche du Canada en matière d’aide internationale dans le pays, y compris pour la mise en œuvre des sanctions. À titre d’exemple, le Canada préside le Groupe consultatif ad hoc sur Haïti du Conseil économique et social des Nations Unies et utilise cette tribune pour élaborer et discuter avec ses alliés des réponses internationales coordonnées aux défis économiques et de développement auxquels le pays est confronté.
En ce qui concerne les modifications visant les particuliers, il n’aurait pas été convenable d’organiser une consultation publique étant donné l’urgence d’imposer des mesures en réaction à la détérioration de la situation en matière de sécurité et à la crise humanitaire.
Obligations relatives aux traités modernes et consultation et mobilisation des Autochtones
Une première évaluation de la portée géographique de l’initiative a été effectuée et n’a révélé aucune obligation découlant des traités modernes, puisque les modifications ne prennent pas effet dans une zone touchée par de tels traités.
Choix de l’instrument
Au Canada, les règlements sont le seul instrument permettant d’appliquer des sanctions. Aucun autre instrument ne pourrait être envisagé.
Analyse de la réglementation
Avantages et coûts
Les sanctions ciblant des particuliers ont moins d’incidence sur les entreprises canadiennes que les sanctions économiques traditionnelles à grande échelle, et ont une incidence limitée sur la population du pays d’origine des personnes inscrites sur la liste. Les banques et institutions financières canadiennes sont tenues de se conformer aux sanctions. Elles le feront en ajoutant les nouvelles interdictions à leurs systèmes de surveillance existants, ce qui pourrait entraîner un coût de conformité mineur.
Lentille des petites entreprises
Il est possible que les modifications entraînent des coûts supplémentaires pour les entreprises qui cherchent à obtenir des permis qui les autoriseraient à mener des activités ou des transactions spécifiques qui sont autrement interdites.
Dans l’ensemble, on s’attend à ce que l’incidence sur les entreprises canadiennes, en particulier sur l’industrie textile canadienne, dont fait partie l’une des personnes inscrites, soit minimale. Au moins deux usines appartenant à cette personne en Haïti confectionnent des vêtements pour le compte de cette industrie. Puisque les sanctions visent des particuliers, il est peu probable qu’elles entraînent des coûts pour les entreprises.
Règle du « un pour un »
Le processus de délivrance de permis pour les entreprises répond à la définition de « fardeau administratif » au sens de la Loi sur la réduction de la paperasse; le coût de ce fardeau devrait donc être calculé et compensé dans un délai de 24 mois. Cependant, puisque l’initiative porte sur une situation d’urgence, elle est exemptée de l’obligation de compenser le fardeau administratif et réglementaire en application de la règle du « un pour un ».
Coopération et harmonisation en matière de réglementation
Bien que les modifications ne soient pas liées à un plan de travail ou à un engagement dans le cadre d’un forum officiel de coopération réglementaire, elles s’harmonisent avec les mesures prises par les alliés du Canada.
Évaluation environnementale stratégique
Il est peu probable que les modifications entraînent des effets importants sur l’environnement. Conformément à la Directive du Cabinet sur l’évaluation environnementale des projets de politiques, de plans et de programmes, une analyse préliminaire a permis de conclure qu’une évaluation environnementale stratégique n’est pas nécessaire.
Analyse comparative entre les sexes plus (ACS+)
Le sujet des sanctions économiques a déjà fait l’objet d’une analyse des effets sur le genre et différentes catégories de personnes dans le passé. Bien qu’elles visent à encourager un changement de comportement en exerçant une pression économique sur des entités et des particuliers à l’étranger, les sanctions prises en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales peuvent néanmoins avoir une incidence imprévue sur certains groupes et certaines personnes vulnérables. Les sanctions ciblées ont un effet non pas sur la population haïtienne dans son ensemble, mais bien sur les personnes et entités soupçonnées de participer à des actes de corruption importants attisant la crise humanitaire en Haïti. Par conséquent, ces sanctions n’auront probablement pas de conséquences majeures sur les groupes vulnérables comme c’est le cas des sanctions économiques traditionnelles à grande échelle contre un État, et leurs effets collatéraux se limiteront aux personnes qui dépendent des personnes ciblées. En outre, ces sanctions sont adoptées en vue d’aider les populations vulnérables, en particulier les femmes et les filles, qui continuent de voir quotidiennement leurs droits fondamentaux bafoués par les gangs criminels, notamment par des actes de violence sexuelle et fondée sur le genre.
Justification
Les gangs, avec le soutien de l’élite haïtienne et d’autres protagonistes, ont étendu leur emprise territoriale dans le pays. Plusieurs missions des Nations Unies ont été déployées au fil des ans pour soutenir les efforts des autorités haïtiennes et tenter de rétablir l’ordre. L’une des principales lacunes des interventions internationales à ce jour a été d’omettre la mise en place de mesures pour identifier les personnes qui fournissent du soutien financier et des armes aux gangs en vue de promouvoir leurs propres intérêts politiques ou financiers en tirant parti de la corruption endémique et du blanchiment d’argent qui existent dans le pays, et faire pression sur elles. Les sanctions canadiennes, annoncées entre novembre 2022 et juin 2023, ciblent des membres de l’élite économique et un certain nombre de personnages politiques actuels et anciens. Il y a lieu de croire que ces personnes profitent de leur position de chefs de gangs criminels ou de membres de l’élite politique pour infliger à la population haïtienne une violence gratuite, y compris de la violence sexuelle, dans le plus grand mépris des normes internationales en matière de droits de la personne.
Les modifications s’ajoutent à ces mesures et les renforcent en inscrivant deux autres personnes sur la liste des personnes désignées. Une réponse canadienne soutenue vise à maintenir la pression sur ces personnes afin qu’elles changent de comportement et cessent de soutenir les gangs. Les rapports préliminaires indiquent que ces mesures ont déjà donné des résultats sur le terrain. On s’attend à ce que cette réponse continue d’avoir un effet dissuasif sur d’autres personnes qui adoptent ou envisagent d’adopter un comportement similaire.
Mise en œuvre, conformité et application et normes de service
Les modifications entrent en vigueur à la date de leur enregistrement.
Les noms des personnes inscrites seront disponibles en ligne pour que les institutions financières puissent les examiner et seront ajoutés à la Liste consolidée des sanctions autonomes canadiennes. Cela contribuera à faciliter le respect du Règlement.
La Gendarmerie royale du Canada est chargée de l’application des règlements sur les sanctions. Conformément à l’article 8 de la Loi sur les mesures économiques spéciales, quiconque contrevient au Règlement encourt, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, une amende maximale de 25 000 $ et un emprisonnement maximal d’un an, ou l’une de ces peines; ou, sur déclaration de culpabilité par mise en accusation, un emprisonnement maximal de cinq ans.
L’Agence des services frontaliers du Canada a également des pouvoirs d’application de la Loi sur les mesures économiques spéciales et de la Loi sur les douanes et jouera un rôle dans l’application des sanctions.
Personne-ressource
Sébastien Sigouin
Directeur exécutif
Direction d’Haïti
Affaires mondiales Canada
125, promenade Sussex
Ottawa (Ontario)
K1A 0G2
Téléphone : 343‑548‑7620
Courriel : sebastien.sigouin@international.gc.ca