Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant le Bélarus : DORS/2023-71

La Gazette du Canada, Partie II, volume 157, numéro 9

Enregistrement
DORS/2023-71 Le 5 avril 2023

LOI SUR LES MESURES ÉCONOMIQUES SPÉCIALES

C.P. 2023-326 Le 5 avril 2023

Attendu que la gouverneure en conseil juge que les actions de la République du Bélarus constituent une rupture sérieuse de la paix et de la sécurité internationales qui est susceptible d’entraîner ou a entraîné une grave crise internationale,

À ces causes, sur recommandation de la ministre des Affaires étrangères et en vertu des paragraphes 4(1)référence a, (1.1)référence b, (2)référence c et (3) de la Loi sur les mesures économiques spéciales référence d, Son Excellence la Gouverneure générale en conseil prend le Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant le Bélarus, ci-après.

Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant le Bélarus

Modifications

1 Les alinéas 3.1a) à c) du Règlement sur les mesures économiques spéciales visant le Bélarus référence 1 sont remplacés par ce qui suit :

2 Les alinéas 3.2a) à c) du même règlement sont remplacés par ce qui suit :

3 La partie 2 de l’annexe 1 du même règlement est modifiée par adjonction, selon l’ordre numérique, de ce qui suit :

Antériorité de la prise d’effet

4 Pour l’application de l’alinéa 11(2)a) de la Loi sur les textes réglementaires, le présent règlement prend effet avant sa publication dans la Gazette du Canada.

Entrée en vigueur

5 Le présent règlement entre en vigueur à la date de son enregistrement.

RÉSUMÉ DE L’ÉTUDE D’IMPACT DE LA RÉGLEMENTATION

(Le présent résumé ne fait pas partie du Règlement.)

Enjeux

Le Bélarus appuie la violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine par la Fédération de la Russie, et aide cette dernière à contourner les sanctions.

Contexte

Le 9 août 2020, la République du Bélarus a tenu des élections présidentielles entachées de nombreuses irrégularités. Sous la direction du président au pouvoir Alexandre Loukachenko, le gouvernement du Bélarus a mené une campagne de répression systématique pendant la période précédant le vote et pendant le déroulement de l’élection elle-même, et a utilisé la violence soutenue par l’État contre le peuple bélarussien afin de réprimer les manifestations contre le gouvernement. Human Rights Watch, Amnistie internationale, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, le Viasna Human Rights Centre, ainsi que l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, ont tous signalé de nombreuses violations des droits de la personne. Depuis lors, plusieurs organisations renommées des droits de la personne, y compris le Viasna Human Rights Centre, ont été contraintes de fermer.

Depuis les élections présidentielles de 2020, le gouvernement du Bélarus continue de commettre des violations flagrantes et systématiques des droits de la personne. Celles-ci comprennent des détentions arbitraires prolongées, la brutalité, l’intimidation et l’usage excessif de la force contre des manifestants pacifiques. Les arrestations arbitraires se poursuivent. De plus, il existe des restrictions indues aux droits à la liberté d’expression, de réunion pacifique et à la liberté d’association. Les observateurs des droits de la personne ont observé une escalade de l’ampleur de la répression contre les journalistes indépendants en 2021, notamment des détentions arbitraires, l’imposition d’amendes et de peines de prison, la perte d’accréditations médiatiques et des descentes de police.

Le Canada s’est fortement engagé dans la situation au Bélarus, tant directement avec le gouvernement du Bélarus et avec des partenaires internationaux qu’au sein de forums multilatéraux tels que l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, la Coalition pour la liberté des médias, la Freedom Online Coalition et la plateforme internationale de responsabilisation pour le Bélarus. La gouverneure en conseil a approuvé le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant le Bélarus (le Règlement) le 28 septembre 2020.

Depuis la mi-2021, il y a eu un rapprochement entre le Bélarus et la Russie. La Russie apporte au Bélarus un soutien diplomatique, financier, militaire, médiatique et en matière de renseignement. Le 30 novembre 2021, Loukachenko a déclaré que la Crimée occupée par la Russie faisait légalement partie de la Russie depuis 2014, ajoutant qu’il prévoyait de se rendre dans la péninsule avec le président russe Vladimir Poutine. Cette déclaration marque un changement important par rapport aux déclarations précédentes. La Russie et le Bélarus ont tenu des exercices militaires anticipés du 10 au 20 février 2022. Toutefois, le 20 février 2022, la Russie a étendu la durée de ces exercices militaires avec le Bélarus et a annoncé que les troupes russes ne quitteraient pas le Bélarus. Les relations du Bélarus avec l’Ukraine, les États-Unis et l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) se sont également détériorées, ce qui a mené à des tensions accrues.

Le 24 février 2022, le président Poutine a annoncé une « opération militaire spéciale » au moment où des forces russes lançaient une invasion à grande échelle contre l’Ukraine. Cette invasion a commencé par des frappes ciblées sur des infrastructures militaires ukrainiennes d’importance, avec des forces russes avançant au nord de l’Ukraine en provenance de la Russie et du Bélarus, à l’est en provenance de la Russie et les régions dites de la République populaire de Louhansk (RPL) et de la République populaire de Donetsk (RPD), at au sud en provenance de la Crimée. Le 27 février 2022, le régime de Loukachenko a adopté une modification frauduleuse à la Constitution du Bélarus en supprimant l’article 18, qui s’engageait à « faire de son territoire une zone dénucléarisée et un État neutre ». Cette décision a ouvert la voie au Bélarus pour accueillir des armes nucléaires russes. À la suite de l’invasion, les forces du Bélarus ont été déployées à la frontière avec l’Ukraine, mais n’ont pas encore pénétré en Ukraine elle-même.

Réponse internationale

La coalition de pays qui appuient l’Ukraine comprend, sans s’y limiter, le G7, des pays européens et certaines des nations voisines de l’Ukraine. Ce groupe agit sur différents plans pour soutenir l’Ukraine : sécurité énergétique, sûreté nucléaire, sécurité alimentaire, aide humanitaire, lutte contre la désinformation russe, application de sanctions et de mesures économiques, saisie et confiscation d’actifs, assistance militaire, imputabilité, redressement et reconstruction. Le Canada et les pays du G7 mènent des efforts diplomatiques intenses auprès du reste de la communauté internationale afin de rallier des appuis en faveur de l’Ukraine et de contrer les faux récits russes. Des votes clés au sein de cadres multilatéraux ont eu pour effet d’isoler la Russie, notamment l’adoption de résolutions à l’Assemblée générale des Nations Unies pour condamner l’agression russe contre l’Ukraine (mars 2022), déplorer les conséquences humanitaires de cette agression (mars 2022), suspendre la participation de la Russie au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies (avril 2022) et condamner l’annexion illégale par la Russie de territoires ukrainiens (octobre 2022). De nombreux pays en développement se sont abstenus de critiquer ouvertement la Russie ou de punir ses agissements en raison de considérations géopolitiques ou commerciales ou tout simplement par crainte de représailles, certains affirmant également que le conflit n’est pas une priorité pour leurs régions. Le Canada coordonne étroitement son action avec ses alliés. Les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Union européenne et d’autres alliés ont annoncé des sanctions en réponse à l’attaque militaire russe en Ukraine, y compris via le Bélarus.

Réponse du Canada

Depuis février 2022, le Canada a versé ou s’est engagé à verser plus de 5 milliards de dollars d’aide à l’Ukraine. Ce montant englobe l’assistance militaire, la cyberdéfense et la formation des troupes ukrainiennes au Royaume-Uni et en Pologne dans le cadre de l’opération UNIFIER. Afin de renforcer la résilience économique de l’Ukraine, le Canada lui a accordé de nouvelles ressources au moyen de prêts et a émis une garantie de prêt et une obligation de souveraineté de l’Ukraine. Le Canada aide aussi l’Ukraine à réparer son infrastructure énergétique et a levé temporairement les droits de douane sur les importations en provenance de ce pays. De plus, le Canada a consacré des ressources pour apporter une aide humanitaire et une aide au développement, et il lutte contre la désinformation au moyen du Mécanisme de réponse rapide du G7. Le Canada mène également des programmes d’aide à la stabilisation et à la sécurité en Ukraine, qui procurent notamment un appui aux organisations de défense des droits civils et des droits de la personne. Le Canada a annoncé deux nouvelles voies d’immigration au Canada pour les Ukrainiens : l’Autorisation de voyage d’urgence Canada-Ukraine, qui leur procure un statut temporaire, et un volet spécial de résidence permanente pour la réunification des familles.

En coordination avec ses alliés et partenaires, le Canada a imposé des sanctions visant plus de 1 800 particuliers et entités en Russie, au Bélarus et en Ukraine, qui sont complices dans la violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Le Canada applique aussi des restrictions ciblées visant la Russie et le Bélarus dans les secteurs des finances, du commerce (biens et services), de l’énergie et des transports. Par ailleurs, le Canada fait partie de la coalition pour le plafonnement du prix du pétrole russe, qui interdit la fourniture de services de transport maritime pour le pétrole brut et les produits pétroliers vendus par la Russie au-delà du prix plafond fixé par la coalition. Les présentes modifications au Règlement s’inscrivent dans l’intensification des sanctions déjà appliquées par le Canada en entravant davantage les relations du Bélarus avec le Canada.

Conditions pour imposer et lever les sanctions

Conformément à la Loi sur les mesures économiques spéciales (LMES), le gouverneur en conseil peut imposer des sanctions économiques ou autres contre des États, des entités et des particuliers étrangers lorsque, entre autres, une rupture sérieuse de la paix et de la sécurité internationales s’est produite et a entraîné une grave crise internationale.

La durée des sanctions imposées par le Canada et ses partenaires aux vues similaires a été explicitement liée à la résolution pacifique du conflit, et au respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine à l’intérieur de ses frontières telles qu’elles sont reconnues par la communauté internationale; ces frontières incluent la Crimée et les zones maritimes limitrophes de l’Ukraine. Les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Union européenne, et l’Australie continuent aussi à mettre à jour leurs régimes de sanctions à l’encontre de particuliers et d’entités en Russie, au Bélarus et en Ukraine.

Objectif

Description

Le Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant le Bélarus (les modifications) ajoute neuf entités à l’annexe 1 du Règlement, les soumettant ainsi à une interdiction générale de transactions. Il est recommandé d’ajouter ces neuf entités à l’annexe 1 en raison des derniers développements concernant les violations continues par la Russie de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, en partie par l’intermédiaire du Bélarus et avec son soutien. Les entités sont toutes des banques russes et bélarussiennes situées au Bélarus qui n’ont pas été sanctionnées précédemment par le Canada.

Les modifications apportent des changements au libellé des articles 3.1 et 3.2 du Règlement afin d’en améliorer la clarté juridique.

Élaboration de la réglementation

Consultation

Affaires mondiales Canada mobilise régulièrement les intervenants pertinents, notamment des organisations de la société civile, des communautés culturelles, et des représentants d’autres gouvernements aux vues similaires, pour discuter de l’approche du Canada relative à la mise en œuvre de sanctions. Les recherches d’Affaires mondiales s’appuient également sur l’analyse des mouvements prodémocratiques à l’intérieur et à l’extérieur du Bélarus.

Pour ce qui est du processus de modification des listes de sanctions, il ne serait pas opportun de mener des consultations publiques, compte tenu du risque de fuite des actifs et de l’urgence d’imposer ces mesures en réponse à la violation continue de la paix et de la sécurité internationales en Ukraine.

Obligations relatives aux traités modernes et consultation et mobilisation des Autochtones

Une évaluation initiale de la portée géographique des modifications a été effectuée et n’a révélé aucune obligation découlant des traités modernes, puisque les modifications ne prendront pas effet dans une région visée par un traité moderne.

Choix de l’instrument

Au Canada, les règlements sont le seul instrument permettant d’appliquer des sanctions. Aucun autre instrument ne pourrait être considéré.

Analyse de la réglementation

Avantages et coûts

Les sanctions visant des entités spécifiques ont moins d’impact sur les entreprises canadiennes que les sanctions économiques traditionnelles à grande échelle, et ont un impact limité sur les citoyens des pays des entités désignées. Il est probable que les entités nouvellement désignées ont des liens limités avec le Canada et n’ont donc pas d’activités commerciales importantes pour l’économie canadienne.

Les banques et institutions financières canadiennes sont tenues de se conformer aux sanctions. Elles le feront en ajoutant les entités nouvellement désignées à leurs systèmes de surveillance existants, ce qui pourrait entraîner un coût de conformité mineur.

Les modifications pourraient entraîner des coûts supplémentaires pour les entreprises qui cherchent à obtenir des permis qui les autoriseraient à effectuer des activités ou des transactions spécifiques qui sont autrement interdites.

Lentille des petites entreprises

De même, les modifications pourraient entraîner des coûts supplémentaires pour les petites entreprises qui chercheront à obtenir des permis qui les autoriseraient à effectuer des activités ou des transactions spécifiques qui sont autrement interdites. Cependant, les coûts seront probablement faibles, car il est peu probable que les petites entreprises canadiennes aient ou auront des relations avec les entités nouvellement désignées. Les modifications ne devraient entraîner aucune perte importante d’opportunités pour les petites entreprises.

Règle du « un pour un »

Le processus d’autorisation pour les entreprises répond à la définition de « fardeau administratif » dans la Loi sur la réduction de la paperasse et devrait être calculé et compensé dans les 24 mois. Cependant, la proposition répond à une situation d’urgence et est exemptée de l’obligation de compenser le fardeau administratif et les titres réglementaires en vertu de la règle du « un pour un ».

Coopération et harmonisation en matière de réglementation

Bien que les modifications ne soient liées ni à un plan de travail ni à un engagement dans le cadre d’un forum officiel de coopération réglementaire, elles s’alignent sur les mesures prises par les alliés du Canada.

Évaluation environnementale stratégique

Il est peu probable que les modifications entraînent des effets importants sur l’environnement. Conformément à la Directive du Cabinet sur l’évaluation environnementale des projets de politiques, de plans et de programmes, une analyse préliminaire a permis de conclure qu’une évaluation environnementale stratégique n’est pas nécessaire.

Analyse comparative entre les sexes plus (ACS+)

Le sujet des sanctions économiques a déjà fait l’objet d’une analyse des effets sur le genre et la diversité dans le passé. Bien qu’elles visent à encourager un changement de comportement en exerçant une pression économique sur des particuliers et entités à l’étranger, les sanctions prises en vertu de la LMES peuvent néanmoins avoir une incidence involontaire sur certains groupes et certaines personnes vulnérables. Plutôt que d’affecter le Bélarus dans son ensemble, ces sanctions ciblées ont un impact sur les particuliers et entités dont on pense être engagés dans des activités qui, directement ou indirectement, soutiennent, financent ou contribuent à une violation de la souveraineté ou de l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Par conséquent, ces sanctions économiques n’auront probablement pas d’incidence importante sur les groupes vulnérables, en comparaison aux larges sanctions traditionnelles, et leurs effets collatéraux se limiteront aux personnes qui dépendent des particuliers et entités ciblés.

Justification

Ces modifications visent à imposer des coûts économiques directs au secteur financier bélarussien et montrent que le Canada condamne fermement l’implication du Bélarus dans les dernières violations de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de l’Ukraine commises par la Russie. Elles constituent une réponse directe à l’implication continue du gouvernement du Bélarus et de son secteur financier et bancaire dans la contribution directe et indirecte à l’invasion de l’Ukraine. Elles s’inscrivent dans le prolongement des mesures de sanction prises par le Canada en novembre 2022 à l’encontre de certaines banques bélarussiennes, le Canada cherchant à exercer une pression macroéconomique supplémentaire sur le Bélarus.

Mise en œuvre, conformité et application, et normes de service

Les modifications entrent en vigueur le jour de leur enregistrement.

Les noms des entités seront disponibles en ligne pour que les institutions financières puissent les examiner et seront ajoutés à la Liste consolidée des sanctions autonomes canadiennes. Cela contribuera à favoriser le respect du Règlement.

Les règlements de sanctions canadiennes sont appliqués par la Gendarmerie royale du Canada et l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC). Conformément à l’article 8 de la LMES, quiconque contrevient sciemment au Règlement est passible, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, d’une amende maximale de 25 000 $ ou d’une peine d’emprisonnement maximale d’un an, ou d’une combinaison des deux; ou encore, sur déclaration de culpabilité par mise en accusation, d’une peine d’emprisonnement maximale de cinq ans.

L’ASFC a des pouvoirs d’exécution en vertu de la LMES et de la Loi sur les douanes et jouera un rôle dans l’application de ces sanctions.

Personne-ressource

Andrew Turner
Directeur
Direction de l’Europe de l’Est et de l’Eurasie
Affaires mondiales Canada
125, promenade Sussex
Ottawa (Ontario)
K1A 0G2
Téléphone : 343‑203‑3603
Courriel : Andrew.Turner@international.gc.ca