Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant Haïti : SOR/2022-280
La Gazette du Canada, Partie II, volume 157, numéro 1
Enregistrement
DORS/2022-280 Le 15 décembre 2022
LOI SUR LES MESURES ÉCONOMIQUES SPÉCIALES
C.P. 2022-1365 Le 15 décembre 2022
Attendu que la gouverneure en conseil juge qu’un national de la République d’Haïti, qui est un agent public étranger, est responsable ou complice d’avoir ordonné, supervisé ou dirigé d’une façon quelconque des actes de corruption à grande échelle,
À ces causes, sur recommandation de la ministre des Affaires étrangères et en vertu des paragraphes 4(1)référence a, (1.1)référence b, (2)référence c et (3) de la Loi sur les mesures économiques spéciales référence d, Son Excellence la Gouverneure générale en conseil prend le Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant Haïti, ci-après.
Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant Haïti
Modifications
1 Le titre de l’annexe du Règlement sur les mesures économiques spéciales visant Haïti référence 1 est remplacé par ce qui suit :
Personnes
PARTIE 1
Particuliers — rupture sérieuse de la paix et de la sécurité internationales
2 L’article 9 de la partie 1 de l’annexe du même règlement est remplacé par ce qui suit :
- 9 Gilbert Bigio (né en 1935)
3 L’annexe du même règlement est modifiée par adjonction, après la partie 1, de ce qui suit :
PARTIE 2
Particuliers — actes de corruption à grande échelle
- 1 Berto Dorcé
- 2 Liszt Quitel
Antériorité de la prise d’effet
4 Pour l’application de l’alinéa 11(2)a) de la Loi sur les textes réglementaires, le présent règlement prend effet avant sa publication dans la Gazette du Canada.
Entrée en vigueur
5 Le présent règlement entre en vigueur à la date de son enregistrement.
RÉSUMÉ DE L’ÉTUDE D’IMPACT DE LA RÉGLEMENTATION
(Le présent résumé ne fait pas partie du Règlement.)
Enjeux
Les élites économiques utilisent leur position, association avec des personnalités politiques, influence et ressources pour protéger et/ou soutenir les activités de bandes criminelles, notamment par les actes de corruption grave.
Contexte
Depuis plusieurs années, Haïti est en proie à une crise multidimensionnelle caractérisée par une inflation galopante, une pauvreté chronique, une insécurité alarmante ainsi qu’une impasse politique paralysant la plupart des institutions publiques. Dans ce contexte, les Haïtiens subissent quotidiennement des agressions contre leurs droits de la personne fondamentaux.
Le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant Haïti annoncé le 4 novembre 2022, et les modifications suivantes, permet au Canada de cibler des sanctions contre des personnes clés qui financent, soutiennent ou profitent des activités de bandes armées. Ces gangs opèrent sous la protection de groupes d’intérêts politiques et de chefs d’entreprise. De plus, ils ont délibérément tué, blessé et commis des actes de violence sexuelle pour terroriser et soumettre la population, et pour étendre leur contrôle territorial. Dès le 12 septembre, les gangs ont encerclé Port-au-Prince et ont bloqué l’accès aux installations stratégiques, comme les ports et le terminal pétrolier de Varreux. Ces blocages ont affecté les infrastructures et les services publics essentiels, puisque plusieurs établissements de santé et écoles ont dû fermer. Ces blocages ont également intensifié une crise humanitaire existante, caractérisée par la réémergence du choléra et des millions d’Haïtiens souffrant de faim aiguë. Suite aux opérations de la police nationale d’Haïti pour sécuriser un couloir pour le transport de carburant, et à l’annonce ultérieure par le chef de la coalition de gangs du G9, Jimmy Chevrier, d’autoriser le passage des camions de carburant début novembre 2022, l’accès au terminal a commencé à normaliser. Malgré cette amélioration, l’insécurité demeure, les gangs gardant le contrôle sur les points stratégiques et encerclent la capitale.
La communauté internationale est saisie de la crise actuelle et prend des mesures pour limiter le flux de soutien financier à ceux qui perpétuent la violence en Haïti, comme en témoigne l’adoption unanime, le 21 octobre 2022, par le Conseil de sécurité des Nations Unies (CSNU), d’une résolution établissant un nouveau régime de sanctions. Le Canada a coordonné étroitement avec les États-Unis l’établissement du régime de sanctions autonome visant à exercer une pression immédiate sur ceux qui soutiennent ou fomentent la violence en Haïti, afin de mettre fin à la violence et de permettre aux autorités haïtiennes de rétablir la loi et l’ordre. Le Canada et les États-Unis ont continué à travailler en étroite collaboration pour renforcer ces mesures, notamment en identifiant des cibles supplémentaires.
Les modifications réglementaires proposées s’alignent sur la politique et les objectifs existants pour faire face à la crise multidimensionnelle en Haïti. Les modifications font également progresser les objectifs politiques axés sur la lutte contre la corruption et l’impunité. Enfin, les modifications réglementaires sont fondées sur des mesures existantes et renforcent ainsi l’engagement indéfectible du Canada à promouvoir le développement et la prospérité de la région et à travailler en collaboration avec la communauté internationale à appuyer les autorités haïtiennes à rétablir la loi et l’ordre.
Objectif
Ces sanctions visent à exercer une pression sur les individus qui ont commis des actes de corruption grave et établi des liens avec des gangs criminels, afin d’entraver le flux de fonds et d’armes illicites vers Haïti, facilité par ces individus.
Description
Le Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant Haïti (les modifications) comprendra deux personnes qui seront soumises à une interdiction générale de faire des affaires, conformément aux mesures appliquées à l’encontre des deux premières personnes énumérées lorsque le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant Haïti est entré en vigueur. Il y a lieu de croire que les deux personnes, désignées, étant parmi les élites économiques et politiques en Haïti ont commis les actes de corruption grave et ont utilisé leurs influences et ressources pour protéger et/ou soutenir les activités de bandes criminelles, notamment par le biais du blanchiment d’argent et d’autres actes odieux. Ces gangs commettent des violences indicibles et terrorisent les populations vulnérables en toute impunité. Les modifications modifient également la date de naissance d’une personne précédemment inscrite.
Il est interdit à toute personne ou entité au Canada, ainsi qu’aux Canadiens et aux entités canadiennes à l’étranger d’effectuer des opérations sur les biens des personnes inscrites sur la liste, de conclure des transactions avec elles, de leur fournir des services ou de mettre des biens à leur disposition.
Élaboration de la réglementation
Consultation
Affaires mondiales Canada s’entretient régulièrement avec les intervenants concernés en Haïti, y compris les organisations de la société civile et d’autres gouvernements aux vues similaires, au sujet de l’approche du Canada en matière d’aide internationale en Haïti, y compris la mise en œuvre des sanctions. À titre d’exemple, le Canada préside le Groupe consultatif ad hoc de l’ECOSOC sur Haïti et utilise cette plateforme pour élaborer et discuter avec ses alliés des réponses internationales coordonnées aux défis économiques et de développement auxquels le pays est confronté.
En ce qui concerne les modifications visant les individus, une consultation publique n’aurait pas été appropriée, étant donné l’urgence d’imposer ces mesures en réponse à la détérioration de la situation sécuritaire et à la crise humanitaire.
Obligations relatives aux traités modernes et consultation et mobilisation des autochtones
Une évaluation initiale de la portée géographique de l’initiative a été effectuée et n’a pas permis de déterminer d’obligations découlant de traités modernes, puisque les modifications n’entrent pas en vigueur dans une zone de traité moderne.
Choix de l’instrument
Les règlements sont la seule méthode pour promulguer des sanctions au Canada. Aucun autre instrument n’a pu être envisagé.
Analyse de la réglementation
Avantages et coûts
Les sanctions visant des personnes spécifiques ont moins d’impact sur les entreprises canadiennes que les sanctions économiques générales traditionnelles, et ont un impact limité sur les citoyens du pays des personnes listées. Les banques et les institutions financières canadiennes sont tenues de se conformer aux sanctions. Elles le feront en ajoutant les personnes nouvellement inscrites sur la liste à leurs systèmes de surveillance existants, ce qui pourrait entraîner un coût de conformité mineur.
Lentille des petites entreprises
Il est possible que les modifications entraînent des coûts supplémentaires pour les entreprises qui cherchent à obtenir des permis qui les autoriseraient à mener des activités ou des transactions spécifiques qui sont autrement interdites, car le Canada n’a pas appliqué de sanctions dans le contexte d’Haïti depuis 1992 (abrogé par la suite). Cependant, étant donné que les sanctions sont ciblées, la probabilité de coûts pour les entreprises est minime. Toutefois, si des coûts supplémentaires devaient être créés pour les petites entreprises, ces coûts seraient probablement faibles, car il est très peu probable que les petites entreprises canadiennes aient ou aient des relations d’affaires avec les personnes et entités nouvellement inscrites. On ne s’attend pas à ce que les modifications entraînent une perte importante de possibilités pour les petites entreprises.
Règle du « un pour un »
Le processus de délivrance de permis aux entreprises répond à la définition de « fardeau administratif » de la Loi sur la réduction de la paperasse et devrait être calculé et compensé dans un délai de 24 mois. Toutefois, la proposition répond à une situation d’urgence et est exemptée de l’obligation de compenser la charge administrative et les titres réglementaires en vertu de la règle du « un pour un ».
Coopération et harmonisation en matière de réglementation
Bien que les modifications ne soient pas liées à un plan de travail ou à un engagement dans le cadre d’un forum officiel de coopération réglementaire, elles s’alignent sur les mesures prises par les alliés du Canada.
Évaluation environnementale stratégique
Les modifications sont peu susceptibles d’entraîner des effets environnementaux importants. Conformément à la Directive du Cabinet sur l’évaluation environnementale des projets de politiques, de plans et de programmes, une analyse préliminaire a permis de conclure qu’une évaluation environnementale stratégique n’est pas nécessaire.
Analyse comparative entre les sexes plus (ACS+)
Le sujet des sanctions économiques a déjà été évalué quant à ses effets sur le genre et la diversité. Bien que destinées à faciliter un changement de comportement par le biais de pressions économiques sur des individus et des entités dans des États étrangers, les sanctions prévues par la Loi sur les mesures économiques spéciales (LMES) peuvent néanmoins avoir un impact involontaire sur certains groupes et individus vulnérables. Plutôt que d’affecter les Haïtiens dans leur ensemble, ces sanctions ciblées touchent des individus et des entités dont on pense qu’ils sont engagés dans des actes de corruption graves ce qui alimente la crise humanitaire en Haïti. Par conséquent, ces sanctions sont peu susceptibles d’avoir un impact négatif important sur les groupes vulnérables, par rapport aux sanctions économiques traditionnelles de grande envergure visant un État, et limitent les effets collatéraux aux personnes dépendant des individus ciblés. En outre, ces sanctions sont introduites pour soutenir les populations vulnérables, en particulier les femmes et les jeunes filles, qui continuent de subir quotidiennement des atteintes à leurs droits fondamentaux de la part des bandes criminelles, notamment des violences sexuelles et sexistes.
Justification
Des gangs soutenus par l’élite haïtienne et d’autres ont étendu leur contrôle territorial sur le pays. Plusieurs missions des Nations unies ont été déployées au fil des ans pour tenter de soutenir les efforts des autorités haïtiennes en vue de rétablir l’ordre. L’une des principales lacunes des interventions internationales à ce jour a été la mise en place de mesures visant à identifier et à exercer une pression sur ceux qui fournissent un soutien financier et des armes aux gangs criminels afin de promouvoir leurs propres intérêts financiers et/ou politiques, en tirant parti de la corruption endémique et du blanchiment d’argent qui existent dans le pays. Les sanctions, annoncées par le Canada en novembre et décembre 2022, visaient les élites économiques ainsi qu’un certain nombre de politiciens actuels et anciens. Il y a lieu de croire que ces personnes, en s’engageant dans les actes de corruptions graves, profitent de l’instabilité créée par la violence actuelle. La modification actuelle complète et renforce ces mesures en désignant deux autres personnes. Une réponse canadienne soutenue vise à exercer une pression sur ces personnes afin qu’elles changent de comportement et cessent de soutenir les gangs. Les rapports préliminaires indiquent que ces mesures ont déjà eu un impact sur le terrain. En particulier, en réponse à ces mesures, les oligarques et les élites politiques ont démontré à nouveau un intérêt dans le dialogue politique dans le contexte de l’impasse politique prolongée qui affectait le pays depuis plusieurs années. On s’attend à ce que cette réponse continue d’avoir un effet dissuasif sur d’autres personnes qui adoptent ou envisagent un comportement similaire.
Mise en œuvre, conformité et application, et normes de service
Les modifications entrent en vigueur le jour où elles sont enregistrées.
Les noms des personnes inscrites sur la liste seront disponibles en ligne pour que les institutions financières puissent les consulter et seront ajoutés à la Liste canadienne autonome consolidée des sanctions. Cela contribuera à faciliter le respect du Règlement.
Les règlements sur les sanctions du Canada sont appliqués par la Gendarmerie royale du Canada. Conformément à l’article 8 de la LMES, toute personne qui, sciemment, contrevient ou omet de se conformer au Règlement est passible, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, d’une amende maximale de 25 000 $ ou d’un emprisonnement maximal d’un an, ou des deux et, sur déclaration de culpabilité par mise en accusation, d’un emprisonnement maximal de cinq ans.
L’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a des pouvoirs d’exécution en vertu de la LMES et de la Loi sur les douanes et jouera un rôle dans l’application de ces sanctions.
Contact
Sébastien Sigouin
Directeur exécutif
Programme d’Haïti
Affaires mondiales Canada
125, promenade Sussex
Ottawa (Ontario)
K1A 0G2
Téléphone : 343‑548‑7620
Courriel : sebastien.sigouin@international.gc.ca