Règlement modifiant le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés : DORS/2019-200

La Gazette du Canada, Partie II, volume 153, numéro 13

Enregistrement

DORS/2019-200 Le 10 juin 2019

LOI SUR L’IMMIGRATION ET LA PROTECTION DES RÉFUGIÉS

C.P. 2019-759 Le 9 juin 2019

Attendu que le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, conformément au paragraphe 5(2) référence a de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés référence b, a fait déposer le projet de règlement intitulé Règlement modifiant le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, conforme en substance au texte ci-après, devant chaque chambre du Parlement,

À ces causes, sur recommandation du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile et en vertu du paragraphe 5(1) et de l’article 53 référence c de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés référence b, Son Excellence la Gouverneure générale en conseil prend le Règlement modifiant le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, ci-après.

Règlement modifiant le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés

Modifications

1 Le paragraphe 228(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés référence 1 est modifié par adjonction, après l’alinéa e), de ce qui suit :

2 L’alinéa 229(1)b) du même règlement est remplacé par ce qui suit :

Disposition transitoire

3 Le paragraphe 228(1) et l’alinéa 229(1)b) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, dans leur version antérieure à la date d’entrée en vigueur du présent règlement, continuent de s’appliquer à l’égard de l’étranger dont l’affaire a été déférée à la Section de l’immigration pour enquête au titre du paragraphe 44(2) de la Loi avant la date d’entrée en vigueur du présent règlement.

Entrée en vigueur

4 Le présent règlement entre en vigueur à la date de son enregistrement.

RÉSUMÉ DE L’ÉTUDE D’IMPACT DE LA RÉGLEMENTATION

(Le présent résumé ne fait pas partie du Règlement.)

Enjeux

Le processus de détermination de l’admissibilité et de prise de mesures de renvoi à l’égard d’étrangers qui font l’objet de sanctions canadiennes était excessivement complexe, coûteux et long, compte tenu de la simplicité relative de la prise de décision associée à ces motifs d’interdiction de territoire. Auparavant, le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (RIPR) stipulait que le cas de tout étranger pouvant être interdit de territoire parce qu’il figure sur une liste de sanctions canadiennes, plus précisément la Loi sur les mesures économiques spéciales (LMES) et la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (loi de Sergueï Magnitski) [LJVDEC], devait être déféré à la Section de l’immigration (SI) pour enquête afin que l’admissibilité de l’étranger soit déterminée et que ce dernier fasse l’objet d’une mesure de renvoi. Le fait de déférer à la SI des cas d’interdiction de territoire en raison de sanctions retardait inutilement la prise d’une mesure de renvoi, alors qu’un processus plus simple est plus efficace.

Contexte

Le 17 octobre 2017, le projet de loi d’initiative parlementaire S-226, la LJVDEC, a reçu la sanction royale. Le projet de loi S-226 a créé un nouveau cadre juridique qui permet l’imposition unilatérale de sanctions contre des personnes et des groupes étrangers qui ont commis de graves violations des droits de la personne internationalement reconnus et des actes majeurs de corruption. La LJVDEC permet au Canada d’inscrire sur une liste le nom d’étrangers responsables de tels actes. Avant l’adoption du projet de loi S-226, les situations où le Canada imposait des sanctions se limitaient aux décisions d’organisations internationales dont le Canada est membre (comme les Nations Unies) ou aux crises menaçant la paix et la sécurité internationales. Avec l’entrée en vigueur du projet de loi S-226, la LMES a été modifiée par adjonction de deux nouvelles circonstances (violations des droits de la personne et actes majeurs de corruption) pour lesquelles le gouverneur en conseil peut imposer des sanctions. Par exemple, le 25 juin 2018, le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Birmanie référence 2 a été modifié afin d’y ajouter les noms de sept autres personnes. Ces personnes sont toutes de hauts responsables de l’armée du Myanmar ayant occupé des postes d’autorité pendant les opérations militaires menées contre les Rohingyas dans l’État de Rakhine, qui ont entraîné la crise humanitaire et sécuritaire actuelle. Chaque sanction applicable au titre de la LMES, imposée grâce à des modifications aux règlements pris en vertu de la LMES, précise les interdictions qui s’appliquent à une personne particulière.

En ce qui concerne la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR), le projet de loi S-226 a ajouté deux nouvelles dispositions relatives à l’interdiction de territoire à l’article 35 (Atteinte aux droits humains ou internationaux) de la Loi : les alinéas 35(1)d) et 35(1)e). En vertu de la première modification apportée à la LIPR, un étranger est interdit de territoire au Canada lorsqu’il fait l’objet d’une sanction imposée unilatéralement par le Canada au titre de la LMES au motif que des violations graves et systématiques des droits de la personne ou des actes majeurs de corruption ont été commis par un agent public étranger ou une personne associée à un tel agent. En vertu de la seconde modification apportée à la LIPR, un étranger est interdit de territoire au Canada lorsqu’il fait l’objet d’une sanction imposée unilatéralement par le Canada au titre de la LJVDEC. Les circonstances justifiant l’imposition de sanctions en vertu de la LJVDEC incluent les violations graves des droits de la personne reconnus à l’échelle internationale et la corruption.

Les éléments de preuve permettant d’établir l’interdiction de territoire en vertu des deux dispositions peuvent être recueillis en vérifiant simplement si le nom de la personne figure sur une liste de sanctions. Les agents de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) au pays et à l’étranger peuvent consulter une base de données sécurisée utilisée uniquement aux fins de l’immigration et contenant des alertes dans les dossiers de toutes les personnes visées par des sanctions canadiennes. Les membres du public et les étrangers qui voyagent au Canada peuvent aussi consulter le site Web public d’Affaires mondiales Canada (AMC), plus précisément la Liste consolidée des sanctions autonomes canadiennes référence 3, qui comprend un répertoire de noms d’étrangers visés par des sanctions canadiennes en vertu de la LMES et de la LJVDEC.

Si un ressortissant étranger désigné dans la LMES ou la LJVDEC fait une demande de visa de résident temporaire (VRT) de l’étranger, l’agent des visas peut refuser la demande au motif que la personne est interdite de territoire, ce qui empêche l’entrée de celle-ci au Canada. De même, si un étranger dont le nom figure sur une liste de sanctions canadiennes présente une demande d’autorisation de voyage électronique (AVE) et que la demande ne peut pas être automatiquement approuvée par le système, un examen manuel est effectué et mènera probablement au refus de l’AVE.

Aux points d’entrée ou aux bureaux intérieurs, si un agent de l’ASFC croit, pour des motifs raisonnables, qu’un étranger est interdit de territoire au Canada parce qu’il fait l’objet de sanctions canadiennes, l’agent peut produire un rapport d’interdiction de territoire en indiquant les faits pertinents à cette interdiction. L’agent soumettra ensuite le rapport au délégué du ministre (DM) [un agent, un superviseur ou un haut fonctionnaire de l’ASFC agissant au nom du ministre] qui examinera les faits relatifs à l’interdiction de territoire. Auparavant, dans le cas d’une interdiction de territoire en raison de sanctions, si le DM estimait que les allégations présentées dans le rapport étaient fondées, l’affaire devait être déférée à la SI pour enquête afin qu’une mesure de renvoi soit prise, conformément au RIPR. Si la SI était convaincue que l’étranger était interdit de territoire, la SI devait émettre une mesure de renvoi.

En général, le DM a le pouvoir de prendre des mesures de renvoi dans des cas plus simples, comme les cas d’interdiction de territoire pour criminalité en raison de condamnations au Canada, car la confirmation de la condamnation est facile à vérifier. La SI prend des mesures de renvoi dans des cas plus complexes, comme ceux relatifs à la sécurité nationale, à l’atteinte aux droits de la personne ou internationaux, et au crime organisé. La délimitation des responsabilités entre la SI et le DM est précisée dans le RIPR. Auparavant, le RIPR stipulait que la SI était responsable de prendre des mesures de renvoi dans les cas de personnes qui sont interdites de territoire parce qu’elles font l’objet de sanctions canadiennes au titre de la LMES et de la LJVDEC.

Objectifs

Les modifications réglementaires simplifient le processus décisionnel concernant l’interdiction de territoire dans les cas de personnes qui sont interdites de territoire parce qu’elles font l’objet de sanctions unilatérales imposées par le Canada en vertu de la LMES et de la LJVDEC en transférant, de la SI au DM, le pouvoir de prendre des mesures de renvoi. Cette approche cadre davantage avec la répartition des responsabilités entre le DM et la SI précisée dans le RIPR.

Description

Les modifications réglementaires transfèrent, de la SI au DM, le pouvoir de prendre des mesures de renvoi pour les nouveaux motifs sur l’interdiction de territoire en raison de sanctions, qui ont été ajoutées en octobre 2017, lorsque le projet de loi S-226 est entré en vigueur. Plus précisément, les modifications autorisent le DM à prendre des mesures d’expulsion contre des étrangers interdits de territoire parce qu’ils font l’objet de sanctions canadiennes. La SI conserve le pouvoir de prendre des mesures de renvoi dans les cas où le rapport contient des motifs d’interdiction de territoire additionnels pour lesquels le DM n’a pas la compétence de prendre des mesures de renvoi ou les cas où le rapport d’interdiction de territoire implique un mineur non accompagné (âgé de moins de 18 ans) ou une personne incapable de comprendre la procédure. Cela simplifie le processus décisionnel en matière d’interdiction de territoire et augmente l’efficacité de la procédure menant à une décision définitive, car une mesure de renvoi sera prise beaucoup plus rapidement pour ces cas.

Règle du « un pour un »

La règle du « un pour un » ne s’applique pas, puisque les modifications réglementaires s’appliquent aux particuliers et non aux entreprises.

Lentille des petites entreprises

La lentille des petites entreprises ne s’applique pas, puisque les modifications réglementaires s’appliquent aux particuliers et non aux entreprises.

Consultation

Le 8 juin 2018, l’ASFC a lancé des consultations publiques en ligne, sur le site Consultation auprès des Canadiens, sur les modifications réglementaires. Les groupes d’intervenants suivants ont été informés de la tenue de la consultation publique :

La période de consultation publique s’est terminée le 7 juillet 2018. Aucun commentaire n’a été soumis.

Partie I de la Gazette du Canada

Le Règlement a été publié dans la Partie I de la Gazette du Canada, le 22 décembre 2018 pour une période 45 jours. Aucun commentaire n’a été soumis.

Justification

Les modifications réglementaires visent à simplifier le processus décisionnel en matière d’interdiction de territoire et de prise de mesures de renvoi dans les cas d’étrangers interdits de territoire parce qu’ils font l’objet de sanctions imposées par le Canada. Pour ce faire, le pouvoir de prendre des mesures de renvoi est transféré de la SI au DM. Dans certains cas, il peut s’écouler des mois avant que la SI prenne une mesure de renvoi, alors que le DM peut prendre la mesure de renvoi immédiatement après avoir examiné le rapport d’interdiction de territoire. Ce processus simplifié nécessite une appréciation sommaire de la preuve, étant donné que la preuve est facilement accessible dans la Liste consolidée des sanctions autonomes canadiennes d’AMC ou dans la base de données sécurisée correspondante. Cette approche cadre aussi avec la délimitation actuelle des responsabilités entre la SI et le DM, où la SI se charge d’appliquer les dispositions plus complexes relatives à l’interdiction de territoire et le DM se charge d’appliquer les dispositions plus simples.

La SI conserve le pouvoir de prendre des mesures de renvoi dans les cas où le rapport d’interdiction de territoire contient des motifs d’interdiction de territoire additionnels ne relevant pas de la compétence du DM ou les cas où le rapport d’interdiction de territoire implique un mineur non accompagné ou une personne incapable de comprendre la procédure. Ces exemptions sont conformes à d’autres dispositions relatives à l’interdiction de territoire qui relèvent de la compétence du DM.

La simplification de ce processus entraînera des économies pour le gouvernement du Canada, car elle permettra d’éviter les coûts associés aux enquêtes et aux autres processus en aval, y compris la possibilité de détention. Par exemple, pour chaque enquête, l’ASFC doit payer 1 424 $ pour une audience en personne référence 4. L’élimination du besoin de soumettre ces cas à la SI permettra à l’ASFC de réaliser des économies annuelles estimées à 5 696 $ (quatre cas multipliés par 1 424 $ pour chaque audience). Le coût pour la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR) varie entre 400 $ et 2 544 $, selon le cas. Si la SI n’a plus besoin d’évaluer ces cas, la CISR pourra réaliser des économies annuelles estimées entre 1 600 $ et 10 175 $ (pour quatre cas).

Le budget de 2018 prévoit pour l’ASFC 2,65 millions de dollars sur cinq ans et un financement continu de 375 000 $ pour appuyer le régime de sanctions canadiennes. Ces fonds servent à renforcer la capacité de l’ASFC à appuyer le régime de sanctions liées à l’immigration du Canada, y compris l’élaboration de modifications réglementaires pour mieux harmoniser les dispositions relatives à l’interdiction de territoire prévues par le projet de loi S-226 avec le cadre décisionnel global. Le coût de la mise en œuvre de ces modifications réglementaires devrait toutefois être minimal (c’est-à-dire environ 19 000 $ pour la mise à jour des manuels opérationnels et la préparation de bulletins opérationnels visant à informer les agents des changements effectués). Il n’y aura aucuns frais additionnels pour l’ASFC au cours des années subséquentes, ce qui permettrait de réaliser des économies annuelles d’environ 5 696 $ (quatre cas multipliés par 1 424 $ pour chaque audience qui n’est plus nécessaire), si l’estimation de quatre cas par année se concrétise.

Le régime d’interdiction de territoire en raison de sanctions appuie divers objectifs de la LIPR, y compris la protection de la santé et de la sécurité publique et le maintien de la sécurité de la société canadienne, ainsi que la promotion, à l’échelle internationale, de la justice et de la sécurité par le respect des droits de la personne et l’interdiction de territoire aux personnes qui sont des criminels ou qui constituent un danger pour la sécurité. En transférant, de la SI au DM, le pouvoir de prendre des mesures de renvoi dans les cas d’interdiction de territoire en raison de sanctions, une mesure de renvoi pourra être prise plus rapidement, permettant ainsi un renvoi plus rapide du Canada. Cette approche contribue à accroître la sécurité publique au Canada. Puisque cette modification entraîne un changement au processus interne, aucun enjeu lié à l’analyse comparative entre les sexes plus (ACS+) n’a été relevé dans cette proposition.

Mise en œuvre, application et normes de service

Les modifications réglementaires sont entrées en vigueur à la date de leur enregistrement. Pour appuyer leur entrée en vigueur, l’ASFC mettra à jour ses manuels et diffuserait des bulletins opérationnels pour informer ses agents des changements effectués. Tout cas d’interdiction de territoire en raison de sanctions déjà soumis à la SI au moment de l’entrée en vigueur des modifications réglementaires continuera d’être évalué par la SI jusqu’à sa conclusion. Les modifications ne s’appliquent qu’aux rapports d’interdiction de territoire en raison de sanctions soumis au DM après l’entrée en vigueur des modifications. Dans le but d’appuyer l’interception aux points d’entrée, au pays et à l’étranger, l’ASFC continuera de collaborer avec ses partenaires, comme AMC, pour assurer l’exactitude et la mise à jour des renseignements sur les étrangers faisant l’objet de sanctions dans la base de données sécurisée aux fins de l’exécution de la loi en matière d’immigration. L’ASFC travaillera aussi avec la CISR pour assurer une transition harmonieuse du traitement de ces cas, de la Section de l’immigration au délégué du ministre.

Les modifications réglementaires n’ont aucune incidence sur les mécanismes de recours existants. Les étrangers qui font l’objet d’une mesure de renvoi parce qu’ils ont été interdits de territoire en raison de sanctions disposent de mécanismes de recours. Par exemple, un étranger peut déposer une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire à la Cour fédérale quant à la décision d’interdiction de territoire. Il peut aussi s’adresser à Affaires mondiales Canada en soumettant une demande de retrait de la liste au ministre des Affaires étrangères. Dans ce cas, l’étranger devra fournir une description détaillée des faits pertinents et des raisons à l’appui de sa demande.

Personne-ressource

Richard St Marseille
Directeur
Division de la politique
Agence des services frontaliers du Canada
100, rue Metcalfe, 10e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0L8
Courriel : IEPU-UPELI@cbsa-asfc.gc.ca