Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant le Venezuela : DORS/2018-114

La Gazette du Canada, Partie II, volume 152, numéro 12

Enregistrement

Le 30 mai 2018

LOI SUR LES MESURES ÉCONOMIQUES SPÉCIALES

C.P. 2018-608 Le 29 mai 2018

Attendu que la gouverneure en conseil juge que l’Association visant la situation au Venezuela, dont le Canada est membre, a pris une décision incitant ses membres à prendre des mesures économiques contre le Venezuela,

À ces causes, sur recommandation de la ministre des Affaires étrangères et en vertu des paragraphes 4(1) référencea, (1.1) référencea, (2) et (3) de la Loi sur les mesures économiques spéciales référenceb, Son Excellence la Gouverneure générale en conseil prend le Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant le Venezuela, ci-après.

Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant le Venezuela

Modification

1 L’annexe du Règlement sur les mesures économiques spéciales visant le Venezuela référence1 est modifiée par adjonction, après l’article 40, de ce qui suit :

Antériorité de la prise d’effet

2 Pour l’application de l’alinéa 11(2)a) de la Loi sur les textes réglementaires, le présent règlement prend effet avant sa publication dans la Gazette du Canada.

Entrée en vigueur

3 Le présent règlement entre en vigueur à la date de son enregistrement.

RÉSUMÉ DE L’ÉTUDE D’IMPACT DE LA RÉGLEMENTATION

(Ce résumé ne fait pas partie du Règlement.)

Enjeux

Il est anticipé que les élections présidentielles vénézuéliennes du 20 mai 2018 renforceront encore davantage le régime autoritaire du président Maduro au Venezuela, tandis que les citoyens vénézuéliens sont de moins en moins capables d’exercer leurs droits, que l’économie vénézuélienne et la crise humanitaire continuent de se détériorer, et que le rétablissement de la démocratie semble de moins en moins probable.

Contexte

Le démantèlement de la démocratie au Venezuela a atteint un point critique en juillet 2017 quand, après plusieurs mois de manifestations meurtrières, le parti de Nicolás Maduro a consolidé son pouvoir par l’entremise de l’élection d’une Assemblée nationale constituante (ANC). L’élection de cet organe s’est produite sans le référendum obligatoire, d’un point de vue constitutionnel, qui aurait permis aux Vénézuéliens de décider si celle-ci devait ou non être fondée. Ce nouvel organe a dépouillé l’Assemblée nationale, élue démocratiquement, de tous ses pouvoirs législatifs et a débuté une réécriture de la constitution. Le Canada et d’autres partenaires internationaux ont rejeté sa légitimité et se sont engagés à ne pas reconnaître les décisions prises par cette dernière.

Depuis la dernière ronde de sanctions imposées par le Canada, la crise économique, politique et humanitaire au Venezuela a continué à se détériorer tout en se rapprochant de plus en plus d’un modèle dictatorial. Les élections régionales du 15 octobre et les élections municipales du 10 décembre 2017 ont été semées d’irrégularités électorales et de moyens de coercition sociale. Plusieurs représentants de l’opposition se sont abstenus de participer, et le gouvernement a clamé une victoire absolue lors des deux élections.

Relations Canada–Venezuela

Le 22 septembre 2017, le Canada a imposé des sanctions en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales (LMES) à 40 représentants et citoyens vénézuéliens, dont le président Nicolás Maduro, pour leur rôle dans la détérioration de la démocratie au Venezuela. Le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant le Venezuela a imposé un gel des avoirs et une interdiction de transaction aux 40 personnes dont le nom figure sur la liste, ce qui comprend des représentants de haut niveau de l’ANC et du Conseil national électoral (CNE) ainsi que d’autres personnes impliquées dans la dégradation des droits démocratiques au Venezuela. Le Gouvernement du Canada a identifié 14 Vénézuéliens additionnels ayant contribué au démantèlement de la démocratie au Venezuela.

En plus des sanctions imposées en vertu de la LMES, le 3 novembre 2017, le Canada a sanctionné 19 ressortissants vénézuéliens (dont trois qui ont aussi été sanctionnés en vertu de la LMES) en vertu de la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (loi de Sergueï Magnitski), qui ont été responsables ou complices de violations graves de droits de la personne reconnus à l’échelle internationale, d’actes de corruption à grande échelle, ou des deux.

Dialogue de Saint-Domingue

Une tentative de médiation a été entreprise à Saint-Domingue, en République dominicaine, pendant la semaine du 11 septembre 2017, dans le but d’élaborer et d’officialiser un accord visant à résoudre la crise économique et politique. Un des objectifs de l’opposition dans ce processus était d’avoir des élections libres et équitables. Le dialogue de Saint-Domingue a été « suspendu indéfiniment » le 7 février 2018, les deux parties n’ayant pas réussi à s’entendre, et le président du CNE contrôlé par le gouvernement ayant annoncé que les élections présidentielles auraient lieu avant juillet, date dont il a été question à la table de négociation.

Élections récentes

Une date au printemps a rendu impossible de réaliser les changements institutionnels nécessaires pour que le vote se déroule de manière libre et équitable. Le président Maduro était le candidat du parti au pouvoir aux élections présidentielles, tandis qu’on a interdit aux dirigeants les plus populaires de l’opposition de se présenter aux élections ou qu’on les a assignés à résidence, s’ils n’avaient pas déjà fui le pays. De plus, la chambre constitutionnelle de la Cour suprême a rendu, le 25 janvier 2018, une décision qui exclut la coalition des partis de l’opposition, la Table de l’unité démocratique, de tout processus électoral futur (en tant qu’organisation). On a aussi interdit à de nombreux partis de l’opposition et à de nombreuses personnes de se présenter aux élections. Les candidats pouvaient s’inscrire du 24 au 26 février 2018 et avaient 16 jours pour faire campagne. La plupart des partis de l’opposition ont décidé de ne pas participer aux élections présidentielles selon le motif que les élections n’étaient pas libres et équitables. Le candidat de l’opposition Henri Falcón s’est présenté; le 1er mars 2018, il a signé une entente avec le gouvernement qui prévoyait la tenue d’élections de conseils régionaux et locaux en plus des élections présidentielles, et qui établissait certaines garanties électorales insuffisantes pour atteindre les standards démocratiques internationaux.

Le 26 février 2018, avec 19 voix en faveur, le Conseil permanent de l’Organisation des États Américains a adopté une résolution demandant au gouvernement vénézuélien de reconsidérer la date des élections et de présenter des garanties suffisantes pour des élections libres et équitables.

Groupe de Lima

Le Groupe de Lima — un groupe ad hoc formé de plus d’une douzaine de pays de l’hémisphère, dont le Canada, qui cherchent une solution à la crise au Venezuela — s’est réuni cinq fois depuis août 2017. En réponse aux événements du 7 février 2018 (c’est-à-dire l’échec du processus de Saint-Domingue et la décision unilatérale du CNE de confirmer la tenue des élections présidentielles au printemps de 2018), le Pérou a convoqué une réunion d’urgence du Groupe de Lima le 13 février 2018. La déclaration qui en a résulté emploie des termes forts pour souligner que le Groupe de Lima « rejette fermement » la date des élections, qui « rend impossible la tenue d’élections démocratiques, transparentes et crédibles ». La déclaration énonce les normes que les élections présidentielles devaient respecter pour que celles-ci soient libres et équitables et précise que le non-respect de ces normes mènerait à des résultats manquant de légitimité et de crédibilité.

Situation humanitaire et droits humains

Les droits de la personne et la situation humanitaire au Venezuela se sont détériorés parallèlement à la crise politique. La population du Venezuela doit toujours faire face à une grave pénurie de biens de première nécessité, dont des denrées alimentaires et des médicaments, et la malnutrition et la famine sont en progression. Au cours des six derniers mois, le régime a persécuté, emprisonné et exilé un nombre considérable de dirigeants de l’opposition (dont six maires). Il y a actuellement plus de 300 prisonniers politiques dans les prisons. À cela, il s’ajoute de mauvaises conditions de détention et l’impunité face aux violations des droits de la personne.

Sanctions des États-Unis

Le 5 septembre 2017, l’association formée par les gouvernements des États-Unis et du Canada concernant le Venezuela a demandé à ses membres de prendre des mesures économiques contre le Venezuela et les personnes responsables de la situation actuelle dans le pays ainsi que de continuer à suivre la situation et d’ajuster les mesures comme il convient. Le gouvernement américain a ciblé 56 personnes du Venezuela pour des sanctions depuis 2014, dont des membres de l’exécutif, de l’armée, de la magistrature, de la Garde nationale, du CNE et de l’ANC. La plus récente série de sanctions américaines a eu lieu le 19 mars 2018 et a ciblé quatre hauts membres du gouvernement impliqués dans la mauvaise gestion économique et la corruption.

Objectifs

Les objectifs du Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant le Venezuela (le Règlement) sont de répondre aux mesures antidémocratiques prises récemment par le régime de Maduro, à savoir la convocation des élections présidentielles dans des conditions inacceptables. Cette réponse enverra aux membres du gouvernement vénézuélien le message que leurs actions antidémocratiques ont des conséquences; elle démontrera aux Canadiens, de façon plus générale, que le gouvernement est prêt à agir lorsque les normes régionales de bonne gouvernance démocratique sont bafouées; enfin, elle exprimera une solidarité à l’égard des mesures prises par les pays de l’hémisphère ayant des vues similaires.

Description

Le Règlement dresse une liste de 14 noms supplémentaires de personnes visées par un gel des avoirs et une interdiction de transaction. Ces 14 personnes s’ajoutent aux 40 autres qui ont été sanctionnées le 22 septembre 2017 en vertu du Règlement sur les mesures économiques spéciales visant le Venezuela.

Sous réserve de certaines exceptions, le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant le Venezuela interdit à toute personne se trouvant au Canada et à tout Canadien se trouvant à l’étranger : a) d’effectuer une opération portant sur un bien où qu’il soit, appartenant à une personne dont le nom figure sur la liste ou détenu ou contrôlé par elle ou pour son compte; b) de conclure une transaction liée à une opération visée à l’alinéa a) ou d’en faciliter la conclusion; c) de fournir des services financiers ou connexes à l’égard de toute opération visée à l’alinéa a); d) de rendre disponibles des marchandises, où qu’elles soient, à une personne dont le nom figure sur la liste ou à une personne agissant pour son compte; e) de fournir des services financiers ou connexes à une personne dont le nom figure sur la liste ou à son bénéfice.

Règle du « un pour un »

La règle du « un pour un » s’applique à cette proposition puisqu’il y a des coûts administratifs reliés au commerce en lien avec l’exigence de déclaration du Règlement. Le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant le Venezuela exige des institutions financières au Canada qu’elles vérifient sur une base continue si elles sont en possession ou contrôle de biens appartenant à, détenus ou contrôlés par une personne inscrite à la liste. Ces institutions financières doivent obligatoirement communiquer, sans délai, de l’existence d’une propriété au commissaire de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) ou au directeur du Service canadien du renseignement de sécurité. De plus, le Décret concernant l’autorisation, par permis, à procéder à certaines opérations (mesures économiques spéciales — Venezuela), déjà en effet en vertu du paragraphe 4(4) de la Loi sur les mesures économiques spéciales, pourrait également augmenter les coûts administratifs des entreprises demandant un permis les autorisant à procéder à des opérations qui font l’objet d’une interdiction ou d’une restriction.

Le fardeau administratif associé au Règlement est exempté de la règle du « un pour un », puisque le Règlement vise à régler une situation unique et exceptionnelle, à savoir la situation urgente au Venezuela.

Lentille des petites entreprises

La lentille des petites entreprises ne s’applique pas à cette proposition, car les petites entreprises ne seraient pas touchées de manière disproportionnée par le Règlement.

Consultation

Une consultation publique au sujet du Règlement établissant une liste de personnes visées ne serait pas appropriée, car la publication préalable de la liste pourrait entraîner une fuite de capitaux avant l’entrée en vigueur du Règlement.

Justification

Le Canada et la plupart des pays de l’hémisphère ont fortement condamné les tentatives du gouvernement Maduro visant à consolider son pouvoir, à limiter les droits démocratiques du peuple vénézuélien, à restreindre l’opposition et la liberté d’expression et à violer les droits de la personne reconnus à l’échelle internationale. Les États-Unis, l’Union européenne, la Suisse et Panama ont appliqué des mesures punitives contre le régime Maduro.

Le Canada s’est engagé fermement à demander des comptes au Venezuela, mais le régime de Maduro continue de renforcer son pouvoir autoritaire. Les nouveaux noms qui doivent être ajoutés à l’annexe sont directement liés aux mesures antidémocratiques prises récemment par le régime, en particulier celles qui concernent les élections présidentielles. La prise de mesures à l’encontre des personnes dont le nom figure dans la liste du Règlement montrera aux membres du gouvernement vénézuélien que leurs actions antidémocratiques ont des conséquences et démontrera, de façon plus générale, que le gouvernement du Canada est prêt à agir lorsque les normes régionales de bonne gouvernance démocratique sont bafouées. Ces mesures vont dans le sens de celles qu’ont prises les pays ayant des vues similaires dans l’hémisphère et dans le monde.

Mise en œuvre, application et normes de services

La GRC et l’Agence des services frontaliers du Canada sont chargées de l’application des règlements relatifs aux sanctions canadiennes. Conformément à l’article 8 de la LMES, toute personne qui contrevient volontairement au Règlement sur les mesures économiques spéciales visant le Venezuela modifié par le présent Règlement encourt : a) sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, une amende maximale de 25 000 $ et un emprisonnement maximal d’un an, ou l’une de ces peines; b) sur déclaration de culpabilité par mise en accusation, un emprisonnement maximal de cinq ans.

Personne-ressource

Sylvia Cesaratto
Directrice
Division des relations avec l’Amérique du Sud
Affaires mondiales Canada
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Téléphone : 343-203-3277
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