Vol. 150, no 12 — Le 15 juin 2016

Enregistrement

DORS/2016-123 Le 3 juin 2016

LOI RÉGLEMENTANT CERTAINES DROGUES ET AUTRES SUBSTANCES

Règlement modifiant le Règlement sur les stupéfiants (pavot à opium)

C.P. 2016-442 Le 3 juin 2016

Sur recommandation de la ministre de la Santé et en vertu du paragraphe 55(1) (voir référence a) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (voir référence b), Son Excellence le Gouverneur général en conseil prend le Règlement modifiant le Règlement sur les stupéfiants (pavot à opium), ci-après.

Règlement modifiant le Règlement sur les stupéfiants (pavot à opium)

Modifications

1 L’article 8 du Règlement sur les stupéfiants (voir référence 1) est modifié par adjonction, après le paragraphe (4), de ce qui suit :

(5) Il est interdit à tout distributeur autorisé de cultiver, de multiplier ou de récolter du pavot à opium à des fins autres que scientifiques.

2 L’article 67 de la version française du même règlement est remplacé par ce qui suit :

67 Le ministre peut, suivant une demande à cet effet, délivrer une licence à toute personne qui, de l’avis du ministre, a qualité pour cultiver, cueillir ou produire le pavot à opium ou le chanvre indien à des fins scientifiques, aux conditions que le ministre juge nécessaires.

Entrée en vigueur

3 Le présent règlement entre en vigueur à la date de son enregistrement.

RÉSUMÉ DE L’ÉTUDE D’IMPACT DE LA RÉGLEMENTATION

(Ce résumé ne fait pas partie du Règlement.)

Enjeux

Compte tenu de la surabondance mondiale actuelle d’opiacés d’origine naturelle, la culture commerciale du pavot pourrait contribuer au risque mondial persistant de détournement d’opiacés vers les marchés illicites et irait à l’encontre des engagements internationaux du Canada.

Contexte

Culture du pavot à opium

On cultive le pavot à opium (Papaver somniferum) afin de produire des ingrédients servant à fabriquer des stupéfiants nécessaires à la production de nombreux analgésiques pharmaceutiques légaux (par exemple la morphine et l’oxycodone), ainsi que des substances illicites. L’industrie légitime des opiacés extrait de la matière végétale les substances servant à fabriquer des stupéfiants et utilise un procédé de purification à étapes multiples pour en tirer des ingrédients de qualité pharmaceutique. Il existe un risque de détournement de matières opioïdes des voies légales vers le marché illicite à chaque étape, de la culture à la transformation.

Quatorze pays cultivent actuellement le pavot à opium à des fins pharmaceutiques légitimes, et des matières premières opiacées sont vendues et transportées par une chaîne d’approvisionnement internationale très intégrée. L’Australie, l’Espagne, la France, la Turquie et l’Inde cultivent du pavot à opium qui répond à 90 % de la demande mondiale d’opiacés médicaux naturels. Au Royaume-Uni, une société pharmaceutique cultive le pavot à opium pour l’utiliser dans la fabrication de médicaments vendus au pays. Le Canada et les États-Unis ne cultivent actuellement pas le pavot à opium à des fins commerciales.

Conventions internationales en matière de drogues

Le Canada fait partie de la Convention unique sur les stupéfiants, 1961 de l’Organisation des Nations Unies (ONU) modifiée par le Protocole de 1972 (la Convention de 1961). Comme partie à la Convention de 1961, le Canada est tenu d’imposer des mesures de contrôle qui limitent la possession, l’utilisation, le commerce, la distribution, l’importation, l’exportation, la fabrication et la production de stupéfiants exclusivement à des fins médicales et scientifiques, et de coopérer avec d’autres États pour appliquer les dispositions de la Convention de 1961.

En mai 1979, le Conseil économique et social (ECOSOC) des Nations Unies a adopté la résolution 471, qui demandait aux pays importateurs comme le Canada d’appuyer les fournisseurs traditionnels (la Turquie et l’Inde) de matières premières servant à la fabrication de stupéfiants (MPS) et de limiter les importations de pays fournisseurs non traditionnels (par exemple l’Australie et l’Espagne). Réaffirmée en 1981 par l’ECOSOC, la résolution visait à limiter la surabondance de MPS, à rétablir un équilibre entre l’offre et la demande et à éviter le détournement vers des voies illicites, particulièrement dans les pays qui ont des difficultés logistiques à surveiller et contrôler le détournement vers un marché illicite.

L’ECOSOC a adopté entre-temps des résolutions semblables, y compris la résolution E/RES/2007/9 coparrainée par le Canada en 2007. Cette résolution exhortait les pays à ramener la production mondiale à un niveau qui reflète la demande réelle à des fins licites et exhortait aussi les gouvernements de pays qui ne font pas la culture commerciale du pavot à opium à s’abstenir de se lancer dans de telles activités afin d’éviter la prolifération des fournisseurs.

Surveillance du contrôle des drogues à l’échelle internationale

L’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS) est l’entité internationale chargée de surveiller le respect des conventions internationales de l’ONU sur le contrôle des drogues. Chaque année, les pays importateurs doivent fournir des estimations de leurs besoins nationaux en substances réglementées (par exemple en opiacés) et obtenir la confirmation de l’OICS à cet égard. De même, les pays producteurs d’opiacés doivent présenter à l’OICS des estimations du nombre prévu d’hectares consacrés à la culture et des niveaux de production prévus aux fins de confirmation. Les échanges commerciaux entre pays importateurs et pays producteurs ne devraient pas avoir lieu si les estimations des niveaux de production n’ont pas été confirmées.

Selon les rapports annuels publiés par l’OICS, l’offre mondiale d’opium dépasse la demande depuis 2009. Dans son dernier rapport annuel, l’OICS signalait qu’à la fin de 2015, les réserves mondiales existantes de matières premières servant à la fabrication d’opiacés riches en morphine devaient atteindre quelque 616 tonnes, ce qui suffit pour répondre pendant 17 mois à la demande mondiale prévue sans production nouvelle, tandis que l’offre excédentaire de matières premières servant à la fabrication d’opiacés riches en thébaïne devait atteindre 423 tonnes, ce qui suffit pour répondre à la demande mondiale prévue pendant 20 mois. Autrement dit, il n’y aurait pas de pénurie de matières premières servant à la fabrication d’opiacés à des fins médicales avant le milieu de 2017, même si toute la production mondiale s’arrêtait en janvier 2016.

Contrôle des importations aux États-Unis

Le règlement 21 CFR 1312 des États-Unis interdit l’importation de toute substance figurant dans la liste des annexes I ou II de la Controlled Substances Act des États-Unis (par exemple les ingrédients pharmaceutiques actifs ou sous forme posologique finie) sauf en vertu des conditions établies, telles que les cas d’urgence nationale ou s’il s’agit d’un MPS. De plus, il établit une liste de pays desquels les fabricants américains peuvent importer des MPS et interdit l’importation de MPS de pays qui ne figurent pas sur la liste. Le règlement restreint en outre les importations de telle façon que 80 % du volume total des MPS importées aux États-Unis doivent provenir de deux fournisseurs traditionnels (Inde et Turquie) et les 20 % restants, de cinq producteurs non traditionnels (Australie, France, Hongrie, Pologne et Espagne). En vertu du règlement, aussi appelé Règle 80/20 (voir référence 2), la Drug Enforcement Agency (DEA) ne peut délivrer de licence d’importation de matières premières servant à la fabrication d’opiacés d’un pays qui ne figure pas sur la liste et doit délivrer des permis de façon à maintenir le ratio 80/20 prescrit. Cette interdiction s’applique à tous les opiacés, sauf les produits à faible dose de codéine figurant dans la liste de l’annexe V de la Controlled Substances Act des États-Unis.

Substances réglementées au Canada

Au Canada, la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (LRCDAS) régit le pavot à opium et ses préparations, dérivés, alcaloïdes et sels. Toute activité légitime touchant le pavot à opium et les opiacés qui en sont dérivés doit être conforme aux exigences établies dans la LRCDAS et le Règlement sur les stupéfiants (RS). Ces lois permettent au Canada de respecter ses obligations dans le cadre de traités internationaux sur le contrôle des drogues.

Il n’y a actuellement aucune culture commerciale du pavot à opium au Canada. Les produits pharmaceutiques à base d’opioïdes vendus au Canada sont importés sous forme posologique finie ou fabriqués au Canada à partir d’ingrédients pharmaceutiques actifs importés. Les produits finis fabriqués au Canada peuvent être vendus au Canada ou exportés, mais ces activités (c’est-à-dire l’importation, la fabrication et la vente) doivent être conformes aux exigences du RS.

On a cultivé le pavot à opium au Canada pour les besoins de la recherche conformément à des autorisations délivrées en vertu de l’article 67 du RS.

Le Canada a créé des régimes de production d’autres végétaux réglementés, comme le chanvre industriel (Règlement sur le chanvre industriel), mais il n’existe aucun régime semblable pour encadrer la culture commerciale du pavot à opium au Canada.

Objectif

Ces modifications réglementaires visent à interdire la culture commerciale du pavot à opium en vertu du RS.

Description

Le Règlement modifie le RS pour interdire clairement la culture, la propagation et la récolte du pavot à opium pour toute autre fin que la recherche scientifique.

Règle du « un pour un »

Les modifications s’appliquent à un règlement existant, mais ne modifient pas les coûts administratifs imposés aux entreprises. La règle du « un pour un » ne s’applique donc pas.

Lentille des petites entreprises

Les modifications n’imposent aucun coût supplémentaire aux entreprises, y compris aux petites entreprises. Par conséquent, la lentille des petites entreprises ne s’applique pas.

Consultation

Il n’y a pas eu de consultations officielles avant la publication du Règlement dans la Partie II de la Gazette du Canada, car actuellement, il n’y a pas d’industrie commerciale du pavot au Canada et les modifications n’imposent aucun coût aux parties prenantes.

Justification

En examinant les répercussions de l’interdiction de la culture du pavot à opium au Canada, Santé Canada s’est principalement attardé aux risques pour la santé et la sécurité publiques que présente la culture du pavot à opium et les obligations et les engagements du Canada aux termes de conventions et de résolutions internationales. Les questions relatives à l’offre et à la demande d’ingrédients pharmaceutiques actifs d’origine naturelle pour les médicaments opioïdes de perte de possibilités pour les entreprises canadiennes ont aussi été prises en considération.

Les Canadiens sont les deuxièmes plus grands consommateurs d’opioïdes d’ordonnance au monde, après les Américains, et les rapports de consommation problématique d’opioïdes et de décès liés à la consommation d’opioïdes sont en hausse. La culture à grande échelle de champs de pavot à opium représente un risque pour la santé et la sécurité publiques. Outre les risques évidents de détournement du pavot à opium vers des marchés illicites, le pavot à opium riche en morphine ou en thébaïne peut être mortel pour ceux qui essaient de le consommer à des fins récréatives. En Australie, les vols de pavot à opium riche en thébaïne en vue de la production de thé à base de doda, connu pour son effet euphorique, ont entraîné des réactions indésirables graves et le décès de sept personnes. Par ailleurs, les pavots à opium riche en morphine qui servent à préparer le thé à base de doda peuvent causer des surdoses.

L’effet de la culture commerciale du pavot à opium au Canada sur le problème de surabondance mondiale serait impossible à quantifier, mais toute activité qui réduit la quantité de matières premières opiacées licites achetées de pays vulnérables crée dans ces pays des réserves abondantes qui pourraient être détournées vers des voies illicites. Les drogues illicites franchissent les frontières internationales, et il est probable qu’une partie de ces opiacés détournés pourrait aboutir dans des communautés canadiennes où l’abus des opioïdes pose des problèmes bien documentés. De plus, les modifications proposées s’harmonisent avec les obligations que les conventions et résolutions internationales sur la lutte contre la drogue imposent au Canada, y compris les résolutions internationales qui demandent à de nouveaux pays de s’abstenir de se lancer dans la culture commerciale du pavot.

Il n’y a dans le monde aucune pénurie de médicaments qui est attribuée à un manque d’ingrédients pharmaceutiques actifs opiacés. Le pavot à opium est cultivé dans 14 pays de toutes les régions du monde. Il est peu probable qu’une catastrophe d’origine naturelle ou humaine ait des répercussions simultanées sur la production de tous ces pays. L’offre mondiale augmente plus rapidement que la demande depuis 2009, et les estimations les plus récentes de l’OICS indiquent que les réserves suffisent pour répondre aux besoins médicaux mondiaux pendant au moins 17 mois si toute la production internationale avait cessé en janvier 2016.

À l’heure actuelle, aucun fabricant pharmaceutique au Canada ne dispose des installations ou des systèmes de traitement des matières premières opiacées (par exemple la paille de pavot à opium ou du concentré de paille de pavot) pour les transformer en ingrédients pharmaceutiques actifs qui servent à produire des médicaments finis. De plus, aucune entreprise pharmaceutique n’importe des matières premières opiacées, comme de la paille de pavot à opium ou du concentré de paille de pavot, pour les transformer en ingrédients pharmaceutiques actifs. Les ingrédients pharmaceutiques actifs issus de pavot à opium sont plutôt importés et utilisés pour produire des médicaments opioïdes sous forme posologique finie. Les modifications n’interdisent pas les importations et n’ont donc aucune incidence sur les activités actuelles du secteur pharmaceutique au Canada.

Toutefois, comme les modifications interdisent la culture commerciale du pavot à opium au Canada, il pourrait y avoir une perte de possibilités pour les entreprises qui pourraient lancer une culture commerciale de pavot à opium maintenant ou à l’avenir. Au cours de la période de 2011 à 2015, le Canada a importé en moyenne 20 560 kg d’ingrédients pharmaceutiques actifs opiacés par année. Il ne sera plus possible qu’une entreprise canadienne fournisse une partie de cette quantité d’ingrédients pharmaceutiques actifs à l’avenir, et tout revenu ou profit futur prévu sera perdu. Il est difficile de quantifier exactement l’ampleur du manque à gagner théorique, car cette industrie est actuellement inexistante au Canada. Par contre, les pertes théoriques sont négligeables, compte tenu de la surabondance mondiale continue et persistante d’ingrédients pharmaceutiques actifs opiacés sur le marché mondial sévèrement contrôlé et de l’intégration verticale de l’industrie pharmaceutique, dans laquelle de nombreuses entreprises sont propriétaires des filiales qui réalisent diverses étapes de la production de produits finis.

Mise en œuvre, application et normes de service

Comme ces modifications n’ajoutent pas de nouvelles exigences, il n’est pas nécessaire de modifier les directives du ministère sur la conformité et l’exécution de la loi.

Personnes-ressources

Division des affaires législatives et réglementaires
Direction des substances contrôlées
Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs

Santé Canada
150, promenade du pré Tunney
Ottawa (Ontario)
K1A 0K9
Courriel : OCS_regulatorypolicy-BSC_ politiquereglementaire@hc-sc.gc.ca